Toujours plus de « data », mais pour quoi faire ! 

Nous vivons depuis plus d’une décennie une explosion de la data, celle-ci étant de plus en plus fournie et de plus en plus accessible. Nous voyons ainsi proliférer les portails web qui collectionnent les jeux de données gratuites ou payantes, sans forcément de but précis.

 

La pro­messe était immense dans tous les domaines et donc, bien enten­du, pour l’aménagement du ter­ri­toire. Cela devait nous per­mettre col­lec­ti­ve­ment de pré­ci­ser et d’affiner les diag­nos­tics ter­ri­to­riaux. Mieux com­prendre les ter­ri­toires devait assu­rer notre capa­ci­té à mieux anti­ci­per et construire des pro­jets de ter­ri­toire plus contex­tua­li­sés. Et pour­tant, il n’en est rien. J’ai même l’impression que cette pro­fu­sion de data a anni­hi­lé notre créa­ti­vi­té col­lec­tive, nous a mis des freins pour pen­ser le long terme, avec la peur vis­cé­rale de l’erreur et de la jus­ti­fi­ca­tion au moment d’un bilan chiffré.

Alors que nous pou­vions pen­ser « sans doute trop naï­ve­ment » que la data nous per­met­trait de mieux cer­ner la « mala­die » d’un ter­ri­toire telle une science, celle-ci nous a enfer­més dans une comp­ta­bi­li­té de l’aménagement à tra­vers des objec­tifs chif­frés (réduc­tion de 50 % de l’artificialisation, 25 % de loge­ments sociaux, 6 à 8 % de vacance…), qui ont bien sou­vent plus de poids que le pro­jet lui-même. En pré­ci­sant à outrance nos ana­lyses thé­ma­tiques et sec­to­rielles nous avons, me semble-t-il, per­du, d’une part, de la trans­ver­sa­li­té et, d’autre part, le sen­sible de ce qu’est le ter­ri­toire, alors que les nou­veaux outils devaient nous per­mettre de croi­ser des don­nées et de construire des ana­lyses complexes.

Et que dire de la repré­sen­ta­tion, du ren­du car­to­gra­phique, qui a per­du en pro­fon­deur et en jus­tesse. Les pro­jets géo­ma­tiques sont lourds, ils per­mettent des trai­te­ments com­plexes, mais le ren­du car­to­gra­phique est trop sou­vent un oublié. Une carte doit dire quelque chose. Elle porte un mes­sage. Ce der­nier doit être clair, lisible. Les cartes ont le pou­voir de mettre en pers­pec­tive de mon­trer les lignes de force, mais elles sont trop rare­ment à la hauteur.

Je ne suis pas assez vieux pour être nos­tal­gique, mais à l’heure de l’avènement de ChatGPT et de l’intelligence arti­fi­cielle, notre plus-value en tant qu’urbanistes, accom­pa­gnés de géo­ma­ti­ciens, sera notre capa­ci­té à mettre en relief, à iden­ti­fier et trans­crire le sen­sible, à nous pro­je­ter non pas seule­ment avec des objec­tifs chif­frés, mais en nous arri­mant au contexte, au socle géographique.

À l’heure du dérè­gle­ment cli­ma­tique qui impo­se­ra des adap­ta­tions majeures pour les ter­ri­toires et qui néces­si­te­ra de construire une vision décloi­son­née, claire et acces­sible au plus grand nombre (socié­té civile au sens large), la repré­sen­ta­tion car­to­gra­phique est un outil pré­cieux. Réin­ven­tons-la pour qu’elle joue plei­ne­ment sa partition.

Timo­thée Hubscher

©fabio­ha

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