Énergies

La panne de sens

 

Quand nous avons ins­crit, en octobre 2021, la ques­tion des éner­gies à notre calen­drier édi­to­rial, croyez-le ou non, nous avons dû faire face à bien des éton­ne­ments et inter­ro­ga­tions. Or, vous qui lisez ces lignes, un an plus tard, vous êtes en train de vous deman­der – j’en suis cer­tain – si la revue Urba­nisme n’est pas en train de sur­fer sur la haute vague d’une crise qui touche désor­mais tout le monde et semble s’ancrer réso­lu­ment dans le temps long. Pour­tant, cette pro­blé­ma­tique ultra­sen­sible des éner­gies a déjà pro­duit, sur la courte échelle tem­po­relle de la bas­cule de l’holocène à l’anthropocène, des évè­ne­ments dra­ma­tiques (de guerres en crises) que nous n’avons pas pu ne pas voir, des consé­quences sur l’environnement et le cadre de vie (pol­lu­tions, mala­dies…) que nous n’avons pas pu ne pas sen­tir et res­sen­tir, une inci­dence crois­sante (jusqu’à deve­nir exces­sive) sur nos bud­gets que nous n’avons pas pu ne pas toucher.

Nous n’avons pas eu envie de voir, de sen­tir, de tou­cher les impacts de l’évolution de nos modes de vie sur la pla­nète et sur nos vies elles-mêmes. Les pro­messes de la mon­dia­li­sa­tion en matière de confort et pou­voir d’achat, oppor­tu­né­ment cata­ly­sées par une éner­gie bon mar­ché, étaient bien trop belles pour être assom­bries par des cas de conscience, pour être enta­chées d’éthique. D’autant que les indus­triels de l’exploitation et de la pro­duc­tion d’énergie, de leur côté, s’appliquaient à rendre les ques­tions de fond – res­sources, émis­sions, déchets ultimes, etc., – presque par­fai­te­ment invi­sibles au plus grand nombre. Per­met­tant ain­si, jusqu’à une période encore très récente, à cha­cun de se ber­cer d’illusions et autres pen­sées magiques, et aux acteurs de l’urbanisme de faire de cette ques­tion le plus invrai­sem­blable et regret­table impen­sé de leurs projets.

Notez à ce stade que si réveil il y a, per­sonne n’a mani­fes­te­ment rete­nu la leçon, tant les acteurs du digi­tal et de la logis­tique appliquent aujourd’hui avec suc­cès les mêmes recettes d’invisibilité pour décul­pa­bi­li­ser les masses. Alors, que s’est-il pas­sé en un an ? Dans les dis­cus­sions quo­ti­diennes, cer­tains évoquent la guerre en Europe, et quand on leur rap­pelle qu’elle a com­men­cé en 2014 avec l’annexion de la Cri­mée, ils pré­cisent : les consé­quences éco­no­miques de la guerre, et tout par­ti­cu­liè­re­ment la rup­ture d’approvisionnement en gaz de l’Europe par la Rus­sie. S’ensuit géné­ra­le­ment un débat entre néo-experts – com­prendre infor­més – alter­nant géo­po­li­tique de l’épicerie (la mou­tarde), com­plo­tisme soft (les mains occultes) et inquié­tudes non feintes (y aura-t-il de l’essence à Noël ?).

Plus sérieu­se­ment, ce qu’il s’est pas­sé en un an, c’est qu’une grande par­tie de la popu­la­tion s’estimant jusqu’alors pas ou peu concer­née a tou­ché du doigt sa dépen­dance éner­gé­tique, com­pre­nant par là même que les res­sources sont limi­tées et sen­sibles. Mais sur­tout, en consé­quence, cette popu­la­tion a com­men­cé à payer le prix de ses exis­tences dis­pen­dieuses ; et bru­ta­le­ment atteinte au porte-mon­naie, elle se sur­prend aujourd’hui à pro­non­cer plus que volon­tiers, avec espoir, les mots sobrié­té et transition.
De telle sorte qu’un numé­ro d’Urba­nisme consa­cré à l’énergie prend aujourd’hui forme d’évidence.

Julien Mey­ri­gnac

Pour ache­ter le numé­ro 

Pour ache­ter la ver­sion numérique

 


À pro­pos

Depuis 1932, Urba­nisme est le creu­set d’une réflexion per­ma­nente et de dis­cus­sions fécondes sur les enjeux sociaux, cultu­rels, ter­ri­to­riaux de la pro­duc­tion urbaine. La revue a tra­ver­sé les époques en réaf­fir­mant constam­ment l’originalité de sa ligne édi­to­riale et la qua­li­té de ses conte­nus, par le dia­logue entre cher­cheurs, opé­ra­teurs et déci­deurs, avec des regards pluriels.


CONTACT

01 45 45 45 00


News­let­ter

Infor­ma­tions légales
Pour rece­voir nos news­let­ters. Confor­mé­ment à l’ar­ticle 27 de la loi du 6 jan­vier 1978 et du règle­ment (UE) 2016/679 du Par­le­ment euro­péen et du Conseil du 27 avril 2016, vous dis­po­sez d’un droit d’ac­cès, de rec­ti­fi­ca­tions et d’op­po­si­tion, en nous contac­tant. Pour toutes infor­ma­tions, vous pou­vez accé­der à la poli­tique de pro­tec­tion des don­nées.


Menus