Maud Le Floc’h, directrice et fondatrice du Polau
La directrice et fondatrice du Polau-pôle arts & urbanisme, Maud Le Floc’h, revient sur la création et les travaux de cette entité originale. Sa mission : « Relier les arts, les sciences et les territoires. »
Le Polau s’est fait une spécialité d’associer les démarches artistiques et créatives dans le fil de la réalisation de projets d’urbanisme et de transitions. De fait, il s’est imposé comme la tête de pont d’une pratique nouvelle : l’urbanisme culturel.
Expliquez-nous votre parcours et ce qui vous a conduit à la création de cette entité qu’est le Polau ?
J’ai une formation en aménagement du territoire au Cesa (Centre d’études supérieures d’aménagement) – devenu École polytechnique aménagement & environnement –, mais qui, à l’époque, enseignait l’aménagement post-bac sur un cursus de cinq ans.
Les apports en sciences dures (physique thermodynamique, géologie, climatologie, biologie…) et en sciences humaines et sociales fondaient le socle d’apprentissage de la pensée écosystémique de l’aménagement. Intervenir sur un territoire s’inscrit dans un vaste contexte. Il fallait alors se familiariser au plus tôt avec les notions d’effets dominos, de jeux d’acteurs, à l’écoute des interactions, des itérations, des boucles de rétroaction, etc.
On étudiait de façon très reliée la sociologie urbaine, l’économie spatiale, les systèmes fonciers, l’urbanisme opérationnel, l’histoire de l’architecture. La question de l’art et de la culture restait absente du scope.
À cette époque (années 1990), la question de l’art dans la ville, dans l’espace public, avait une fonction soit d’embellissement, soit de décoration (1 % artistique) [lire aussi : « Le 1 % artistique pour changer de regard à travers l’art »], soit d’animation. Il y avait alors des évènements urbains, des festivals d’arts de la rue, des installations de land art. J’ai plongé dedans de façon personnelle.
Pendant ces années-là, je complémentais mes études au Celsa (journalisme, sciences de l’information). Et j’ai intégré Murs Murs, le magazine de la ville qui mettait aussi bien en couverture Christian de Portzamparc que Serge Gainsbourg. Ce titre abordait la ville comme bien commun. En tant que rédactrice spécialisée, j’avais en charge les questions de culture urbaine et d’architecture. Puis le magazine s’est arrêté.
Est-ce à ce moment que vous vous dirigez spécifiquement vers l’urbanisme ?
J’avais déjà travaillé comme urbaniste pour différents territoires. À Gennevilliers, sur les enjeux de la ville et des bâtiments intelligents (NTIC). Dans le Chinonais, avec Yves Dauge, premier délégué interministériel à la Ville, élu local, puis sénateur-maire de Chinon. Il poussait beaucoup la notion d’alliance entre les acteurs d’un territoire, notamment à travers l’écriture d’une charte de coopération intercommunale.
C’était un outil alerte et au service du commun. Elle engageait élus, professionnels, entreprises à travailler l’épaisseur du tissu local, en tirant un même fil rouge. La pensée d’Yves Dauge se résumait à « alliance et coopération » pour charpenter le socle de valeurs, et irriguer les courants d’enthousiasme. Ce n’est pas simple, mais ça s’organise, même si on cloisonne encore plus qu’on ne tisse.
Rodolphe Casso
Photo : Maud Le Floc’h. © Jean Cabaret/Polau