Mohamed Gnabaly, maire de L’Ile-Saint-Denis
Ville-monde accueillant 8 000 habitants et 85 nationalités, L’Ile-Saint-Denis, 7 km de long et 250 m de large, s’appuie sur l’engouement dont bénéficie la Seine-Saint-Denis pour développer une politique écologique et économique innovante au service de ses habitants.
L’Ile-Saint-Denis est un territoire insulaire. Quelle potentialité particulière cela lui confère-t-il ?
Cet aspect est de plus en plus connu et mis en avant. J’en suis ravi, car pendant longtemps les gens ne visualisaient pas L’Ile-Saint-Denis comme une île et une commune à part entière. Notre plus grande fragilité résidait dans sa faible accessibilité et une largeur réduite. En raison du contexte climatique et de la densité du territoire, cette insularité est désormais une force. C’est un îlot de fraîcheur, où nous valorisons une vie au bord de l’eau et en pleine nature.
En 2025, à l’issue des Jeux olympiques et paralympiques, nous aurons une base nautique opérationnelle. Grâce au projet d’écoquartier fluvial, nous avons requalifié nos berges qui étaient trop hautes et inaccessibles. Depuis trois ans, nous travaillons une offre touristique fluviale avec l’office de tourisme de Seine-Saint-Denis.
L’héritage des JOP nous permettra également d’avoir une zone d’embarquement pour les bateaux. Avec mes voisins de Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine, Épinay-sur-Seine et Clichy, nous élaborons un modèle économique fluvial. Nous recherchons un modèle hybride afin que le coût ne soit pas trop élevé pour les collectivités.
Coupe du monde de rugby 2023, JOP2024, candidature à la Capitale européenne de la culture 2028, L’Ile-Saint-Denis est au cœur d’un territoire qui va bénéficier d’une mise en lumière nationale et internationale, comment vous y préparez-vous ?
Je suis un enfant de ce territoire. En 1998, j’ai vu comment un grand évènement pouvait le transformer et être un moment fédérateur pour ses habitants. Ces grands évènements doivent être des accélérateurs de notre projet de ville et de notre cohésion. Ils nous font gagner entre dix et vingt ans. L’objectif, in fine, est d’améliorer la qualité et les conditions de vie de nos habitants.
Nous avons obtenu des aménagements que nous n’aurions jamais eus : un pont qui nous relie à Saint-Denis et au futur plus gros hub du métro, l’enfouissement de lignes à haute tension, l’isolation phonique de l’A86, l’aménagement des berges de Seine et des quais. En lien avec la candidature à la Capitale européenne de la culture, nous allons ouvrir en 2025 une Cité de la culture et de la création.
Nous sommes aussi considérés comme une terre d’innovation et de R&D autour de l’écologie urbaine.
En quoi votre politique environnementale peut-elle être considérée comme anticipatrice ?
Nous sommes une île nature, nous avons 40 ha d’espaces verts et naturels, dont une zone Natura 2000 et une réserve naturelle ornithologique. Alors que la pression foncière est de plus en plus importante, nous avons une ambition forte sur ce mandat : un espace vert à moins de cinq minutes à pied de chez soi et l’aménagement de trois grands parcs qui permettront ainsi d’avoir la moitié de l’île en zone verte et naturelle.
Nous avons toujours pris des risques en termes de transition écologique et solidaire. Nous proposons ainsi 80 % d’aliments bio et un repas sur deux est végétarien. Nous sommes aussi considérés comme une terre d’innovation et de R&D autour de l’écologie urbaine.
Nous sommes également reconnus pour notre politique autour de l’économie sociale et solidaire (ESS) et de la citoyenneté. La question des tiers-lieux est évidemment prégnante, puisque nous avons encore beaucoup de friches, et des acteurs locaux qui sont créateurs d’activité. Nous sommes sollicités par des villes qui s’intéressent à notre dynamique de démocratie locale et notre projet écologique ambitieux.
Nous attendons par ailleurs de nouvelles populations avec la création de l’écoquartier fluvial. Nous n’avons pas peur de cela. 75% de la population vit dans un logement social, il n’y a pas de riches sur notre île. Il faut toutefois anticiper cette gentrification qui dépasse les maires pour pouvoir faire cohésion.
Maider Darricau
Photo : Mohamed Gnabaly. © Bertrand Guigou
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