« Nous avons décidé d’utiliser la ZAC comme territoire de démonstration »
Emmanuel Grégoire, adjoint à l’urbanisme de la Ville de Paris, évoque le projet de la zone d’aménagement concerté (ZAC) de Bercy- Charenton, au sud du 12e arrondissement, qui constitue l’une des dernières zones d’aménagement de la capitale. Un territoire étendu sur 80 hectares, d’une grande complexité, et qui a fait l’objet d’un processus de concertation innovant.
Pouvez-vous revenir sur la longue genèse de ce projet ?
Les réflexions sont en cours depuis une vingtaine d’années dans ce quartier. Elles se focalisent sur deux sujets majeurs : désenclaver le site pour conduire une stratégie urbaine crédible et recréer la jonction avec Charenton, dans une projection métropolitaine, tout en se reconnectant au quartier de Bercy.
La zone d’aménagement concerté (ZAC) se compose de deux sous-ensembles : le premier est compris entre l’actuel quartier de Bercy et le boulevard des Maréchaux (Poniatowski), dans lequel se situe l’ancienne gare de La Rapée inférieure et supérieure. Historiquement, c’est l’un des grands frigos de Paris qui a servi de relais de stockage avant les grandes vagues de modernisa- tion du marché de Rungis. C’est une zone de fret et de logistique urbaine, avec une parcelle totalement imperméabilisée. Le second ensemble est très urbanisé. Le projet est complexe, il demande des libérations ferroviaires et des aménagements de voies, et il y a toujours la servitude de la Petite Ceinture. Ce territoire est coincé entre les rails de la gare de Lyon, la Seine, l’échan- geur de Bercy et le périphérique.
Dans les années 2000, le plan Rogers envisageait des immeubles de grande hauteur. De mon point de vue, ce projet souffrait d’un défaut d’origine. Il visait la création de bâtiments sur la pleine terre en proximité immédiate de la Petite Ceinture, avec un jardin en dalle au-dessus de la gare de La Rapée inférieure. Le projet ne fonctionnait pas en termes d’acceptabilité. Nous avons donc effectué un changement de paradigme. Nous allons construire sur les zones imperméabilisées et libérer les espaces de pleine terre existants. Il y a un deuxième sous-sujet. Que faire de la gare de La Rapée inférieure ?
Elle a deux intérêts. D’une part, c’est un bâtiment patrimonial, qui peut jouer un rôle en termes d’usage pour les enjeux d’artisanat, du « fabriquer à Paris », de logistique ou d’industrie légère. D’autre part, elle permet de produire un modèle économique soutenable en conservant l’existant. Concernant la hauteur, il n’y avait pas de majorité politique pour porter un tel projet. Toutefois, dès lors que vous dégradez la volumétrie verticale, vous ne pouvez pas la reconstituer horizontalement si vous préservez la pleine terre et les espaces libres. Mathématiquement, vous dégradez donc la copie économique. Nous avons un protocole foncier sous-jacent avec la SNCF, dont la valeur évolue au gré de la constructibilité attendue.
Quel a été le rôle de la concertation dans la construction du projet ?
La condition de maturation et de mise en œuvre d’un projet d’une telle complexité dans la durée suppose un consensus poli- tique et une acceptabilité sociale. Nous nous sommes engagés dans un travail d’innovation, qui a consisté en la mise en place de l’équivalent d’une conférence citoyenne. Cinquante citoyens ont travaillé sur le projet, encadrés par des sachants. J’ai insisté sur la dimension financière pour que les participants aient en tête ces enjeux-là. L’urbanisme n’est pas une pensée magique, il faut jouer sur des curseurs qui ont des conséquences en termes de financement. Cette consultation a aidé les élus à affiner le projet. Il y a eu cinq journées de travail et d’échange à la suite desquelles, ils ont remis un cahier de 59 propositions. Cette concertation nous a confortés sur certaines grandes intuitions que nous avions et a insisté sur quelques grands marqueurs.
Propos recueillis par Rodolphe Casso et Maider Darricau
Le futur parc dans le secteur Triangle centralité verte du quartier de Bercy-Charenton (détail). Illustration : Gaëlle Anastasio/Leclercq Associés