Les ressources cachées du renouvellement urbain

Un coup de pied au culte ?

 

Au cours de l’été qui vient de s’achever, la ques­tion des lieux de culte – enten­du, des cha­pelles et églises catho­liques – a sus­ci­té quelques articles et ani­mé de nom­breux débats sur les réseaux sociaux, en réac­tion à de récentes et spec­ta­cu­laires démo­li­tions d’églises, notam­ment dans le Nord et en Mayenne. Assez étran­ge­ment, ce sont les voix favo­rables qui se sont le plus mani­fes­tées, tan­dis que celles oppo­sées ont été bien moins nom­breuses et audibles.

En cause, les charges pour les col­lec­ti­vi­tés – et donc les contri­buables – rela­tives à leur entre­tien ; les séna­teurs, auteurs¹ d’une tri­bune parue sur le site inter­net du quo­ti­dien Le Monde, le 9 août 2023², n’hésitant pas à affir­mer qu’il existe « un sur­di­men­sion­ne­ment du patri­moine mis à dis­po­si­tion de l’Église catho­lique », notam­ment au regard de la « baisse de la pra­tique cultuelle ». De telle sorte que la dimen­sion patri­moine de ces édi­fices se serait dis­soute dans la dimen­sion usage.

Drôle d’argument, car, si nous y réflé­chis­sons bien, il y a encore bien trop d’arènes romaines en France par rap­port au nombre de com­bats de gla­dia­teurs qui y sont orga­ni­sés, et même de cor­ri­das (qui bien­tôt, de toute évi­dence, n’appartiendront plus qu’à l’histoire).
Dans une drôle d’époque, qui voit de nom­breuses, visibles et même par­fois viru­lentes mobi­li­sa­tions contre les des­truc­tions de bâti­ments exis­tants, y com­pris aux carac­té­ris­tiques très ordi­naires et/ou d’histoire récente, s’agissant notam­ment de ce qui est qua­li­fié aujourd’hui de patri­moine du XXe siècle. La revue Urba­nisme a relayé cer­taines de ces luttes dans ses pages, et elle le fait encore dans ce numéro.
Les défen­seurs de ce patri­moine, hos­tiles aux démo­li­tions, déve­loppent le plus sou­vent des argu­ments pre­miers autour de la mémoire sociale, éco­no­mique, popu­laire, etc., des ter­ri­toires, qui, selon eux, trans­cende l’architecture même du bâti­ment. Est-il per­mis de dou­ter que le patri­moine reli­gieux, bien au-delà de la spi­ri­tua­li­té et des convic­tions, pour­rait par­fai­te­ment s’inscrire dans cette logique ?

D’autant que ce patri­moine, en France, est loin d’être toté­mi­sé : de très nom­breux édi­fices – dont cer­tains de grandes dimen­sions, comme à Paris ou à Arles – ont été désa­cra­li­sés pour être trans­for­més en équi­pe­ments publics, sou­vent dédiés aux acti­vi­tés cultu­relles, ou bien en res­tau­rants, loge­ments ou autre. D’autres bâti­ments, tou­jours lieux de culte, ont su s’ouvrir à de nom­breuses acti­vi­tés socio-édu­ca­tives et cultu­relles sans lien par­ti­cu­lier avec la reli­gion catho­lique. Le poten­tiel de recy­clage (mutua­li­sa­tion, réem­ploi, etc.) des bâti­ments dédiés aux cultes a même été iden­ti­fié dans cer­taines études préa­lables à l’élaboration ou la révi­sion de docu­ments d’urbanisme régle­men­taire inter­com­mu­naux (PLUi).

Le plus étrange dans ces débats, c’est que ce sont sou­vent les mêmes acteurs qui crient au scan­dale face au pro­jet de démo­li­tion d’une MJC et qui applau­dissent au spec­tacle de celle d’une église de 1866, qui, bien que pré­sen­tant de nom­breux désordres et néces­si­tant un inves­tis­se­ment impor­tant, conser­vait un grand poten­tiel d’usage et consti­tuait aus­si – sur­tout – un témoi­gnage his­to­rique, tra­di­tion­nel et culturel.

Chut, un esprit disparaît.

Julien Mey­ri­gnac

1/Les séna­teurs Cathe­rine Morin-Desailly (Union cen­triste, Seine-Mari­time), Pierre Ouzou­lias (Par­ti com­mu­niste, Hauts-de-Seine) et Anne Ven­ta­lon (Les Répu­bli­cains, Ardèche).
2/Dans l’espace « Le Monde des Reli­gions », à la rubrique « Patri­moine » (sic).

(Pho­to de cou­ver­ture : Le 6b, à Saint-Denis. © Bru­no Lévy)

 

Pour ache­ter le numé­ro en ver­sion papier ou en ver­sion numérique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


À pro­pos

Depuis 1932, Urba­nisme est le creu­set d’une réflexion per­ma­nente et de dis­cus­sions fécondes sur les enjeux sociaux, cultu­rels, ter­ri­to­riaux de la pro­duc­tion urbaine. La revue a tra­ver­sé les époques en réaf­fir­mant constam­ment l’originalité de sa ligne édi­to­riale et la qua­li­té de ses conte­nus, par le dia­logue entre cher­cheurs, opé­ra­teurs et déci­deurs, avec des regards pluriels.


CONTACT

01 45 45 45 00


News­let­ter

Infor­ma­tions légales
Pour rece­voir nos news­let­ters. Confor­mé­ment à l’ar­ticle 27 de la loi du 6 jan­vier 1978 et du règle­ment (UE) 2016/679 du Par­le­ment euro­péen et du Conseil du 27 avril 2016, vous dis­po­sez d’un droit d’ac­cès, de rec­ti­fi­ca­tions et d’op­po­si­tion, en nous contac­tant. Pour toutes infor­ma­tions, vous pou­vez accé­der à la poli­tique de pro­tec­tion des don­nées.


Menus