Le logement est une des conditions fondamentales de l’équilibre social, il doit être accessible à tous, et prioritairement aux plus fragiles, les jeunes, les seniors, les plus pauvres : celui qui n’a pas de toit, ne vit pas, il survit.
Mais au-delà, penser le logement, c’est se pencher sur la question du bien‑être des habitants, du plaisir d’habiter son quartier, sa ville, son village. Imaginer des logements modulables, bien dimensionnés, producteurs d’énergie, construits avec des matériaux vertueux, intelligemment connectés.
Sur ce plan, il faut réinventer le mode de production de la ville en mobilisant les ressources des territoires (l’existant, le réemploi) et le génie des lieux, et ainsi acclimater les normes et les exigences financières, qui trop souvent éloignent l’habitant du plaisir d’habiter. Un sentiment exacerbé pendant les confinements successifs qui nous ont rappelé que le logement est le lieu de l’intime.
L’objectif majeur de la qualité du logement est à resituer dans celui du cadre de vie, du « déjà-là ». Fabriquer une ville désirable pour ses habitants est une problématique qui mobilise les élus et les collectivités locales, mais aussi l’ensemble des acteurs de la fabrique de la ville et des territoires. Ils rivalisent de savoir-faire pour réparer le bâti existant, régénérer les quartiers, repenser la forme urbaine, multiplier les aménités pour amplifier la qualité de vie, innover dans le bâti et dans l’espace public grâce au digital. L’habitant est partie prenante des réflexions et des projets, et aspire à de plus étroites relations avec son environnement, désirant ainsi être acteur des grandes transitions écologiques et environnementales.
L’enjeu urbanistique consiste à déplacer le débat de la densité vers celui de l’intensité urbaine. Faire converger l’urbain, l’économique et le social sur de mêmes lieux, et travailler finement les gradients de cette intensité afin de maintenir les équilibres entre territoires, des métropoles au rural en passant par les villes moyennes.
La forme urbaine doit amplifier le désir d’habiter dans le continuum des exigences environnementales et sociales, et des champs ouverts par l’innovation – de « l’ubérisation » de la ville à la digitalisation du logement – qui méritent d’être examinés du point de vue de leur potentiel de facilitation de la vie quotidienne, mais aussi d’augmentation du lien social. L’intensité se mesure à la capacité des territoires à répondre aux besoins des habitants, aux vibrations du quotidien, et à se transformer rapidement. Elle est ancrée dans la réversibilité.
L’habitabilité des territoires repose sur la transformation de la politique du logement en une politique plus globale du cadre de vie et de l’habitat qui intègre les espaces publics, les équipements de proximité, l’animation culturelle, la vie associative, le fonctionnement urbain au quotidien et la dynamique de l’estime des habitants.
Les exigences réglementaires et citoyennes pour la sobriété foncière et énergétique, la préservation de la biodiversité mobilisent les acteurs de la production de la ville sur tous les fronts – économie des sols, régénération des villes, décarbonation des constructions – en vue de la requalification de leur offre.
Le respect et la magnification du cadre de vie – et à travers lui de la planète –, la fabrication de la ville inclusive ne sont plus des options. Et le terrain de jeu est immense : mobilisation des délaissés et lutte contre l’habitat indigne en cœur de ville, réinvestissement des quartiers de politique de la ville, densification des lotissements, transformation des espaces d’activités.
S’il faudra, pour y parvenir, dépasser certains écueils, comme la question du coût foncier qui doit être totalement réenvisagée afin d’aboutir à des mécanismes de régulation qui permettent de compenser certaines charges par des limites aux plus-values ; le logement s’impose comme le facteur décisif de l’urbanité à l’intérieur des villes et des territoires, au cœur de la réconciliation de l’organisation de l’espace et des harmonies humaines.
Christophe Pérez