Le compte à rebours climatique, la crise géopolitique, la crise énergétique, les canicules et incendies nous ont dessillé les yeux. Les enjeux de transition écologique ont remis sur le devant de la scène une planification territoriale qui fait un come-back pour construire des trajectoires de « zéro émission nette » et de « zéro artificialisation nette » (ZAN) à horizon 2050.
Alors que s’engagent des stratégies de décarbonation par filières, alors que l’objectif ZAN anime les débats, comment cette planification territoriale, renouvelée par le prisme de la transition écologique, peut-elle se réinventer et transformer les politiques publiques ? Et quels peuvent en être aussi les écueils ?
La planification écologique vise l’objectif d’une utilisation économe et efficace des ressources – naturelles, spatiales, financières – et, pour ce faire, se propose de programmer, de mesurer, de jalonner des trajectoires. Comment cette planification peut-elle dépasser l’approche quantitative pour opérer les transitions ? Il s’agit de conjuguer trajectoire de long terme et agilité, d’articuler planification stratégique intégrée et urbanisme de projet, d’accueillir l’acquis de l’urbanisme tactique, dans une planification qui reste encastrée dans des procédures longues et complexes.
Ainsi, pour l’objectif ZAN, le législateur a privilégié le levier quantitatif de la planification spatiale, mais le ZAN implique aussi des actions opérationnelles coordonnées à échelle intercommunale, une transformation des modèles et leviers économiques de l’aménagement, de la renaturation et de l’agriculture, enfin, nécessite un renouvellement en profondeur des représentations culturelles pour aller vers une intensification intelligente des territoires.
La planification invite à la posture prospective, à investir le temps long ; la cible temporelle pivot en est aujourd’hui 2050 et l’horizon, la fin du siècle. L’exercice prospectif apparaît ainsi indispensable pour aider à piloter les territoires dans les transitions, pour partager une vision commune autour d’un futur dont les hiérarchies de valeurs et les priorités ont été réagencées, afin de trouver des clés d’entrée pour construire du commun. La transformation des représentations sociales et culturelles sur les manières de vivre, d’habiter, de travailler, de se déplacer est un enjeu essentiel de l’adhésion de l’ensemble des acteurs, mais aussi de cohésion sociale et territoriale.
Le contrat sera une philosophie d’action pour la planification écologique, qui va appeler à négocier, à délibérer pour dépasser les injonctions paradoxales entre des enjeux légitimes et – pouvant être ou apparaître – contradictoires, finir de construire des consensus, des régulations et des solutions qui permettront d’anticiper, et corriger les impacts sur les citoyens ou les territoires les plus fragiles.
Ainsi, comment construire des trajectoires de sobriété foncière et, dans le même temps, construire du logement abordable, alors que les risques de spéculation sont accrus ? Comment mettre en place des zones à faibles émissions (ZFE) en mobilisant des alternatives pour qu’elles ne créent pas de nouvelles exclusions sociales ? La planification écologique saura-t-elle aussi assurer un contrat social gage d’équité ?
Les politiques publiques nationales de la décennie écoulée ont privilégié les programmes ciblés sur des typologies
de territoires : les métropoles, les villes et agglomérations moyennes et petites villes (qui avaient un besoin réel d’impulsion à leur reconquête), les territoires ruraux, les territoires d’industrie…
La mutation des « campagnes urbaines » a vocation à être un grand chantier des transitions territoriales, avec la nécessité de les décrypter dans leur complexité, le besoin de transformer leurs activités, leurs modes d’habiter et de mobilité ; mais aussi de trouver les outils de projet et d’ingénierie pour y organiser une action efficace.
L’aggiornamento de la planification écologique sera également l’occasion d’approfondir les interdépendances
et les réciprocités, et d’accompagner les coopérations interterritoriales à toutes les échelles, qui sont déterminantes pour répondre aux enjeux de transition climatique, énergétique, alimentaire, de biodiversité, d’organisation des services, de la production et consommation. La Fnau plaide pour repenser des contrats et outils de réciprocité qui seront aussi l’occasion de renouveler le regard sur l’aménagement du territoire.
Brigitte Bariol-Mathais, déléguée générale de la Fédération nationale des agences d’urbanisme (Fnau).