« Il faut sortir des énergies fossiles le plus vite possible »

François Gemenne, chercheur à l’université de Liège, auteur pour le Giec, et Pierre Veltz, Grand Prix de l’urbanisme 2017, évoquent ensemble la dépendance énergétique de la France dans un contexte mondialisé. Ils soulignent l’urgence d’un enjeu qui ne saurait être déconnecté des questions climatiques et environnementales.

 

La crise cli­ma­tique est par nature pla­né­taire ; il en est de même pour la crise éner­gé­tique, mais ses réa­li­tés, enjeux et consé­quences sont moins faci­le­ment appré­hen­dables. Quelles sont ses consé­quences sur les dif­fé­rents conti­nents et pays qui les composent ?

Fran­çois Gemenne : Plu­tôt que de crise, je pré­fère par­ler de trans­for­ma­tion cli­ma­tique. Une crise sup­po­se­rait un retour à la nor­male, or il n’y en aura pas. C’est effec­ti­ve­ment un enjeu glo­bal, mais qui n’est pas vécu du tout de la même manière dans les dif­fé­rents pays. Cer­tains seront plus affec­tés que d’autres, cer­tains sont plus res­pon­sables, et c’est ça qui fait la dif­fi­cul­té pour trou­ver une solu­tion glo­bale. Chaque pays va d’abord pour­suivre des inté­rêts natio­naux avant de recher­cher un inté­rêt glo­bal. Quant à la crise éner­gé­tique, elle n’est pas non plus res­sen­tie de la même manière dans tous les pays pour la bonne rai­son que les pays ont des poli­tiques éner­gé­tiques très dif­fé­rentes. Si elle est res­sen­tie plus dure­ment en Europe, c’est parce qu’elle s’est pla­cée dans une posi­tion de fai­blesse et de dépen­dance vis-à-vis des hydro­car­bures russes. C’est pour­quoi les effets de la guerre en Ukraine se font plus dure­ment res­sen­tir sur les prix de l’énergie en Europe, puisque c’est Vla­di­mir Pou­tine qui va qua­si­ment déci- der du prix du gaz. Par ailleurs, le fait que plus de la moi­tié du parc nucléaire fran­çais soit à l’arrêt implique que cette élec­tri­ci­té n’est pas dis­po­nible sur les mar­chés euro­péens. C’est donc la diver­si­té des poli­tiques éner­gé­tiques et notre dépen­dance aux éner­gies fos­siles russes qui font que la crise est plus dure­ment res­sen­tie en Europe qu’ailleurs.

Pierre Veltz : Tout comme Fran­çois, je ne par­le­rais pas de crise, mais plu­tôt de bifur­ca­tion. La situa­tion appelle des réponses glo­bales dans tous les com­par­ti­ments de nos socié­tés, nos éco­no­mies et nos orga­ni­sa­tions. On voit à quel point c’est diver­se­ment res­sen­ti dans un petit pays comme la France. Je trouve assez sidé­rant de voir que, mal­gré les coups de toc­sin extrê­me­ment vigou­reux que nous assènent régu­liè­re­ment le Giec et d’autres orga­nismes, on a tou­jours une per­cep­tion très inégale, et glo­ba­le­ment très euphé­mi­sée, de ce qui est en train de se pas­ser. Mais j’ai aus­si été très frap­pé par des enquêtes inter­na­tio­nales menées sur la per­cep­tion de l’anxiété cli­ma­tique chez les jeunes. C’est un phé­no­mène pla­né­taire : les jeunes du monde entier semblent avoir une vision très par­ta­gée de la gra­vi­té des enjeux. Quant à la guerre en Ukraine, qui est évi­dem­ment une catas­trophe en soi, aus­si bien pour les Ukrai­niens que pour les Russes, elle brouille les cartes de la com­pré­hen­sion de ce qui est en train de se pas­ser. Aujourd’hui, on réagit essen­tiel­le­ment aux pro­blèmes éner­gé­tiques à par­tir des prix et des car­bu­rants de sub­sti­tu­tion, en ris­quant d’oublier que, der­rière ça, la catas­trophe cli­ma­tique conti­nue et risque même de s’aggraver.

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