La cartographie pour la prise en compte du trait de côte

Le trait de côte, limite physique entre la terre et la mer, peut naturellement reculer vers la terre, lorsque le littoral est soumis à des effets d’érosion, ou avancer vers la mer, lorsque les sédiments s’accumulent. Le changement climatique conduit à l’amplification et à l’accélération de ces phénomènes, compte tenu de la montée des eaux et d’évènements climatiques extrêmes plus fréquents et de plus grande amplitude.

 

Ces ter­ri­toires lit­to­raux res­tent cepen­dant attrac­tifs et la popu­la­tion comme les activités économiques conti­nuent de s’y ins­tal­ler, aggra­vant ain­si le niveau d’exposition des per­sonnes et des biens, appelés « enjeux ».

L’une des premières mis­sions de la puis­sance publique repose sur la connais­sance du phénomène, l’identification des enjeux exposés et la recherche de solu­tions pour réduire leur expo­si­tion ou pour éviter que d’autres enjeux ne s’implantent sur ces ter­ri­toires destinés à disparaître. L’érosion du lit­to­ral n’est pas un risque natu­rel majeur, car il s’agit d’une dyna­mique pro­gres­sive et « anti­ci­pable », et ce phénomène ne peut donc pas bénéficier des dis­po­si­tifs mis en place dans le cadre de la poli­tique de prévention des risques natu­rels majeurs, comme les plans de prévention des risques (PPR) dont l’État a la responsabilité.

La loi cli­mat et résilience a ain­si rete­nu les docu­ments d’urbanisme, sous la res­pon­sa­bi­lité des collectivités locales, comme les bons outils d’adaptation des ter­ri­toires au recul du trait de côte, confor­tant ain­si le caractère « pla­ni­fiable » du phénomène. La car­to­gra­phie, en amont, et la pla­ni­fi­ca­tion, en aval, appa­raissent comme des leviers essen­tiels pour améliorer la connais­sance et visua­li­ser, for­ma­li­ser et suivre l’évolution du recul du trait de côte, afin de pou­voir orien­ter les opérations d’aménagement, en par­ti­cu­lier grâce à l’intégration des cartes dans les docu­ments d’urbanisme.

Il s’agit de la toute première étape, indis­pen­sable aux étapes opérationnelles. La recom­po­si­tion de ces ter­ri­toires s’avère, quant à elle, une impérieuse nécessité pour sous­traire pro­gres­si­ve­ment les activités, les biens et les per­sonnes à ces menaces, tout en cher­chant tou­te­fois à main­te­nir le plus long­temps pos­sible les activités sur ces sec­teurs impactés, pour ne pas « vitri­fier » ou condam­ner ces ter­ri­toires à la déshérence.

Cette recom­po­si­tion doit être envisagée comme une opération d’aménagement « à tiroirs » – dont la réalisation peut s’étendre sur plu­sieurs années, voire décennies –, une action d’adaptation de ces ter­ri­toires au chan­ge­ment cli­ma­tique et de résilience ter­ri­to­riale pro­gres­sive, davan­tage que de défense ou de lutte « contre ».

Ain­si, les collectivités ter­ri­to­riales et les élus locaux sont natu­rel­le­ment placés au cœur de cette poli­tique d’anticipation et de planification.

Les scénarios de recom­po­si­tion ter­ri­to­riale rete­nus par les maires dans le cadre des PLU ou PLUi seront nécessairement étroitement liés aux choix opérés à l’échelle inter­com­mu­nale en matière de mesures de pro­tec­tion ou d’aménagement, dans une approche d’évaluation coûts/bénéfices à une échelle élargie englo­bant, notam­ment, le rétro-littoral pour l’éventuelle relo­ca­li­sa­tion des biens et des activités. Et il revient, par conséquent, aux com­munes de se déterminer sur l’opportunité de s’engager dans la démarche d’anticipation et de connais­sance du phénomène d’érosion du lit­to­ral et des enjeux exposés sur leurs ter­ri­toires, afin de définir les actions adaptées et per­ti­nentes à mener localement.

Pour aider les collectivités locales, des recom­man­da­tions natio­nales pour l’élaboration de cartes locales ont été élaborées par le Cere­ma et le BRGM, sous le pilo­tage du ministère dans ses différentes com­po­santes (aménagement, envi­ron­ne­ment et risque). Sur la base des car­to­gra­phies de recul du trait de côte intégrées dans les docu­ments d’urbanisme, les com­munes pour­ront alors établir les règles adaptées à leurs ter­ri­toires pour gérer, en tenant compte de la connais­sance du risque, les construc­tions exis­tantes ou les pro­jets futurs.

Mais cette car­to­gra­phie doit per­mettre le dia­logue et non pas s’épuiser à des débats sans fin sur l’ampleur de l’impact à trente et à cent ans, l’élévation du niveau de la mer à rete­nir, ou la fréquence des phénomènes extrêmes, alors qu’il s’agit avant tout de choix poli­tiques à faire sur ce qu’on accepte de perdre loca­le­ment, en biens et fon­ciers, sur ce qu’on doit aban­don­ner comme activités, le tou­risme par exemple, sur qui portent les surcoûts et les pertes et la répartition de la charge pour le trip­tyque : propriétaires-collectivités‑État.

Emma­nuel de Lan­ver­sin, adjoint au direc­teur de l’Ha­bi­tat, de l’Ur­ba­nisme et des Pay­sages (DHUP)

Lire ce numéro

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


À pro­pos

Depuis 1932, Urba­nisme est le creu­set d’une réflexion per­ma­nente et de dis­cus­sions fécondes sur les enjeux sociaux, cultu­rels, ter­ri­to­riaux de la pro­duc­tion urbaine. La revue a tra­ver­sé les époques en réaf­fir­mant constam­ment l’originalité de sa ligne édi­to­riale et la qua­li­té de ses conte­nus, par le dia­logue entre cher­cheurs, opé­ra­teurs et déci­deurs, avec des regards pluriels.


CONTACT

01 45 45 45 00


News­let­ter

Infor­ma­tions légales
Pour rece­voir nos news­let­ters. Confor­mé­ment à l’ar­ticle 27 de la loi du 6 jan­vier 1978 et du règle­ment (UE) 2016/679 du Par­le­ment euro­péen et du Conseil du 27 avril 2016, vous dis­po­sez d’un droit d’ac­cès, de rec­ti­fi­ca­tions et d’op­po­si­tion, en nous contac­tant. Pour toutes infor­ma­tions, vous pou­vez accé­der à la poli­tique de pro­tec­tion des don­nées.


Menus