« La sobriété foncière a des avantages économiques et sociaux »
En 2022, l’Agence de la transition écologique (Ademe) rééditait le guide Faire la ville dense, durable et désirable, afin d’accompagner les acteurs de l’aménagement à concevoir des territoires conjuguant sobriété, qualité urbaine et transition écologique. Entretien avec Anne Lefranc, coordinatrice au pôle Aménagement des villes et des territoires.
À qui s’adresse ce guide ?
L’Ademe travaille à plusieurs niveaux pour accompagner la transition écologique et traduire les exigences de la loi climat et résilience de 2021, notamment sur les questions de lutte contre l’artificialisation des sols. À l’heure du ZAN [« zéro artificialisation nette », ndlr], il était nécessaire de réactualiser ce guide, déjà publié en 2018. Cette nouvelle version est destinée aux acteurs de la fabrique de la ville : collectivités territoriales, aménageurs et même citoyens qui s’intéressent à ces questions sur la ville dense. Nous démontrons que la densité est plurielle : il y a une densité purement scientifique et mathématique et ce que l’on appelle les densités « perçues ». Le message porté par les acteurs institutionnels pour « faire la ville dense » peut faire peur, il est angoissant à l’heure où nous avons vécu des confinements dans des villes très denses. L’idée est ainsi de déconstruire cette question de la perception qui peut être mal vécue, à juste titre d’ailleurs.
Le guide propose une approche multicritère, quels sont-ils ?
Oui, c’est une méthode qui nous paraît logique et nécessaire. L’Ademe prône l’approche multicritère, qui est l’essence même d’une transition écologique juste et efficace. L’aménagement des villes et des territoires doit s’inscrire nécessairement dans cette démarche, en prenant en compte tous les enjeux écologiques, et également dans une approche économique et solidaire… La mise en place d’une politique de sobriété a des externalités positives, avec une vraie politique générale de revitalisation des centres-bourgs et de requalification des espaces urbains. Prise dans une approche à 360 degrés, la sobriété foncière a des avantages économiques et sociaux certains. N’oublions pas que l’étalement urbain a un coût (environnemental, économique et social) non négligeable pour les collectivités. En rapprochant les ménages de leurs lieux de travail sans qu’ils passent plusieurs heures dans les transports, avec un accès au logement abordable et aux services, et en requalifiant les espaces délaissés, nous pouvons avoir des villes plus denses et désirables.
Comment l’Ademe accompagne-t-elle les acteurs de la ville ?
Nous conduisons plusieurs expérimentations, en permettant à des territoires de se saisir de ce sujet. Nous accompagnons actuellement 22 territoires autour du ZAN (1). En parallèle, nous apportons des outils, des ressources, un portage financier ainsi qu’une assistance à maîtrise d’ouvrage. Nous proposons également des webinaires, pour traiter de sujets variés comme le décryptage réglementaire des textes ou la renaturation. Cette expérimentation constitue un socle qui nous permet d’être au plus près des besoins, nous abordons aussi la question des élus grâce à des ateliers qui leur sont dédiés. Nous menons aussi des actions de sensibilisation et de pédagogie. Dans les territoires engagés sur la transition écologique, nous formons les acteurs sur les questions d’artificialisation des sols. Il nous paraît important de les former et les informer sur la multifonctionnalité des sols, et de replacer la question de la santé des sols au centre du débat.
Propos recueillis par Maider Darricau
Lire la suite de cet entretien dans le numéro 441 « Dense, dense, dense » en version papier ou en version numérique
Photo de couverture : Les ruelles étroites de Grasse (Alpes-Maritimes). Crédit : Lahcène Abib/Divergence
Photo : Anne Lefranc. Crédit : Sylvain Santoro.
1/ https://experimentationsurbaines.ademe.fr/territoires-zero-artificialisation-nette/