Affirmée par nos engagements internationaux et inscrite dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), la transition énergétique de la France s’accélère encouragée par l’augmentation du coût des énergies et la nécessité d’activer tous les leviers de « sobriété ». Si celle-ci est incontournable, nous n’avons pas encore pris la mesure des changements structurels à opérer pour atteindre la neutralité carbone.
Le premier obstacle à la transition concerne la disponibilité des ressources minérales, un sujet qui n’a cessé de monter en puissance dans la décennie 2010 et dont les acteurs institutionnels internationaux se sont emparés. Les études qui en résultent pointent l’impressionnante accélération de l’extraction qui sera nécessaire, dans les décennies qui viennent, pour “nourrir” la transition énergétique à base d’énergies renouvelables et de mobilité électrique. Elle concerne des métaux “de spécialité”, comme le lithium, le cobalt ou les terres rares, mais aussi des métaux industriels comme le cuivre, le zinc ou le nickel.
Si les besoins varient – fortement – en fonction des scénarios de déploiement et des technologies qui seront effectivement utilisées, le résultat est sans appel. Le recyclage sera d’une aide limitée, vu les taux de croissance attendus et la durée de vie des objets et des infrastructures. Non seulement notre économie ne se “dématérialise” pas, ne se “découple” pas de la consommation de matières premières, mais elle entre même en période de “surcouplage”. À ce challenge “extractiviste”, qui pose évidemment des questions a minima géopolitiques en ce qui “siècle des menaces”, s’ajoute le défi industriel : remplacer le “macrosystème technique” fondé à 82 % sur les énergies fossiles représente une mobilisation de moyens techniques, humains et organisationnels importante, pour ne rien dire du financement. À cet égard, le rapport présenté par le gestionnaire du réseau électrique national RTE à l’automne 2021 a renvoyé dos à dos partisans de la relance du nucléaire et du “tout-renouvelable” : du côté production, selon les scénarios, une multiplication par 10 ou 20 des capacités solaires, par 6 ou 8 de l’éolien (terrestre et offshore), une paire de nouveaux réacteurs tous les trois ou cinq ans; du côté stockage, des gigawatts de batteries, des électrolyseurs, des stations de pompage-turbinage ; tandis qu’il faudra aussi rénover thermiquement les bâtiments existants, à un rythme 20 à 25 fois plus rapide qu’aujourd’hui… il va falloir se retrousser les manches pour tenir le planning !
Technologisation accrue et efficacité
Dans la transition telle que nous l’envisageons aujourd’hui, les innovations technologiques tiennent une place de choix : soit parce qu’elles devraient permettre de décarboner certains processus industriels – on peut penser à la réduction directe par l’hydrogène du minerai de fer ou, perspective plus éloignée, à la capture à la source du CO2 pour la cuisson du clinker – et les carburants (hydrogène « vert », pour les transports aériens ou terrestres lourds ; ammoniac, pour le maritime…) ; soit parce que la numérisation accrue permettrait de réaliser des gains d’efficacité à l’usage : smart buildings mieux pilotés et plus sobres en énergie, véhicules autonomes généralisant le covoiturage ou l’autopartage, applications faisant émerger les modèles d’économie de la fonctionnalité et de la réutilisation, ou facilitant la multimodalité dans les transports…