Cédric Carles : « Il faut penser notre monde comme un monde en maintenance »

_FC15623 Large
Après un riche parcours de designer entre la Suisse et la France, Cédric Carles a fondé l’Atelier 21, un laboratoire citoyen pour faire avancer la transition énergétique. Si l’une de ses principales actions est d’exhumer, répertorier, voire redonner vie aux inventions oubliées, l’association dispense aussi des formations en entreprise, collectivité, ou encore investit des tiers-lieux. Retour vers le futur.

 

L’Atelier 21 a notam­ment pour voca­tion d’explorer le patri­moine his­to­rique et indus­triel afin d’exhumer des inven­tions anciennes sur l’énergie. En quoi est-ce utile ?

Ce qui est ensei­gné en la matière dans les écoles d’ingénieurs est loin d’être exhaus­tif. C’est une forme de dis­rup­tion d’aller cher­cher des tech­no­lo­gies qui étaient inté­res­santes, mais qui n’ont pas été péren­ni­sées pour diverses rai­sons. Une fois le patri­moine iden­ti­fié, il s’agit ensuite d’en faire com­prendre la valeur. Ce peut-être, par exemple, le bélier hydrau­lique, qui n’est plus fabri­qué que par une entre­prise en France ou les mai­sons solaires des années 1970. Des inven­tions qui font par­tie du patri­moine de la rési­lience et de l’histoire tech­no­lo­gique. La mai­son Feuillette à Mon­tar­gis, c’est du patri­moine ! On a cent ans d’expérience sur un bâti­ment en paille, en France ! Que demandent les concep­teurs d’éco-architecture de l’urbanisme de demain !

 

En fai­sant la recen­sion des très nom­breuses inno­va­tions éner­gé­tiques qui n’ont jamais été exploi­tées à échelle indus­trielle, pen­sez vous que l’humanité soit pas­sée à côté de la solu­tion miracle ?

Oui, je me le dis. Léo­nard de Vin­ci vou­lait fondre du bronze avec l’énergie solaire dans le but de réa­li­ser une sta­tue équestre monu­men­tale en hom­mage au père de Ludo­vic Sfor­za, duc de Milan. Tou­te­fois, le pro­jet est avor­té : les 100 tonnes de bronze allouées au monu­ment sont fina­le­ment uti­li­sées pour cou­ler des canons, afin de repous­ser les sol­dats fran­çais de Louis XII. Mais s’il y était par­ve­nu, poten­tiel­le­ment, l’énergie solaire aurait pris une autre route indus­trielle. Il était tel­le­ment célèbre qu’il aurait ouvert une voie royale à cette tech­no­lo­gie et ses appli­ca­tions mul­tiples. Un peu comme si Elon Musk s’intéressait à l’énergie solaire au lieu de lan­cer des fusées. Actuel­le­ment, tout le monde regarde Elon Musk. À l’époque, tout le monde regar­dait Léo­nard de Vin­ci. L’impact aurait été indéniable.

 

Quels sont les autres exemples où vous avez eu le sen­ti­ment qu’on était pas­sé à côté de quelque chose ?

Il y a le pro­jet Regen­box : nous avons retrou­vé un dis­po­si­tif mis sur le mar­ché dans les années 1980, et qui a dis­pa­ru assez vite, per­met­tant de rechar­ger, par une méthode de char­ge­ment lent et micro­pul­sé, les piles alca­lines non rechar­geables. L’air de rien, cela repré­sente plus de 20 000 tonnes consom­mées chaque année, rien qu’en France. Ima­gi­nez un peu, en ajou­tant les États- Unis, l’Afrique, l’Asie, l’Amérique du Sud… Il s’agit d’un déchet ultra-toxique qu’on ne gère pas bien. Il est « recy­clé », non sans impacts, dans 50 % des cas. Et avec notre pro­jet Regen­box, nous avons même réa­li­sé qu’une pile sur quatre envoyées au recy­clage était neuve, et deux sur quatre étaient régé­né­rables. Une pile, c’est 25 g de maté­riau pour 100 g de CO2 à la fabri­ca­tion. Au bout de dix piles, on a un kilo de CO2. Nos bornes de tri, en mesu­rant les piles avant de les jeter, per­mettent de favo­ri­ser leur cap­ta­tion dans les bacs de col­lecte et donc d’augmenter notre taux de recy­clage, qui est bas dans le clas­se­ment euro­péen, de 50 %. C’est pour­quoi nous avons pro­to­ty­pé à la Biblio­thèque d’objets de Mon­treuil (BOM) un centre de recon­di­tion­ne­ment de piles per­met­tant le tri et la régé­né­ra­tion. Et nous tra­vaillons aus­si avec deux maga­sins Bou­lan­ger à Lille et Paris, pour les­quels nous avons desi­gné des bornes de tri. Cela per­met de sen­si­bi­li­ser à la réduc­tion des déchets élec­tro­niques avec un geste où le consom­ma­teur y gagne tout de suite et de reven­di­quer une poli­tique encore plus res­pec­tueuse de l’environnement favo­ri­sant l’économie cir­cu­laire du « tout-recyclage ».

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


À pro­pos

Depuis 1932, Urba­nisme est le creu­set d’une réflexion per­ma­nente et de dis­cus­sions fécondes sur les enjeux sociaux, cultu­rels, ter­ri­to­riaux de la pro­duc­tion urbaine. La revue a tra­ver­sé les époques en réaf­fir­mant constam­ment l’originalité de sa ligne édi­to­riale et la qua­li­té de ses conte­nus, par le dia­logue entre cher­cheurs, opé­ra­teurs et déci­deurs, avec des regards pluriels.


CONTACT

01 45 45 45 00


News­let­ter

Infor­ma­tions légales
Pour rece­voir nos news­let­ters. Confor­mé­ment à l’ar­ticle 27 de la loi du 6 jan­vier 1978 et du règle­ment (UE) 2016/679 du Par­le­ment euro­péen et du Conseil du 27 avril 2016, vous dis­po­sez d’un droit d’ac­cès, de rec­ti­fi­ca­tions et d’op­po­si­tion, en nous contac­tant. Pour toutes infor­ma­tions, vous pou­vez accé­der à la poli­tique de pro­tec­tion des don­nées.


Menus