« Les élus veulent un réel pouvoir de décision dans la production d’énergie »

Arnaud Brunel, directeur général du Sipperec, et Jérôme Dubois, maire de Volx (Alpes-de-Haute-Provence), évoquent l’investissement croissant des territoires dans la production énergétique ainsi que les réalités complexes du déploiement des énergies renouvelables.

 

Le déve­lop­pe­ment contem­po­rain des ter­ri­toires et des villes a tou­jours été condi­tion­né par l’accès aux res­sources éner­gé­tiques. Pour­tant, jusqu’à une période très récente, et mal­gré les crises pré­cé­dentes, la pro­blé­ma­tique éner­gé­tique était un angle mort de l’aménagement du ter­ri­toire. Com­ment l’expliquer ?

Jérôme Dubois : En effet, ce n’est pas une ques­tion qu’on s’est posée au quo­ti­dien dans le monde des col­lec­ti­vi­tés locales. Avant, la seule ques­tion, c’était : où est-ce qu’EDF va mettre le trans­fo et quelle est la gros­seur du câble pour ali­men­ter le nou­veau quar­tier ? Et c’était vrai aus­si pour le monde de l’aménagement, de l’urbanisme, les archi­tectes, les pro­mo­teurs, les ban­quiers… Ce qui se passe aujourd’hui est assez nou­veau, que ce soit en termes d’auto-consommation, de pro­duc­tion ou de choix tech­no­lo­gique. On est main­te­nant confron­té à des ques­tions qu’on ne s’était jamais posées : est-ce que qu’il faut faire du pho­to­vol­taïque ? De la géo­ther­mie ? Mais aus­si à des ques­tions finan­cières, car les EnR [énergies renou­ve­lables, NDLR], c’est extrê­me­ment capitalistique.
Aujourd’hui, quand on fait des docu­ments d’urbanisme – SCoT et PLU1 – on va se deman­der ce qu’il faut pro­mou­voir en termes d’obligations mini­males, mais les col­lec­ti­vi­tés ne sont pas com­plè­te­ment appa­reillées pour ça. On a des contrats de recherche pour savoir si dans le cadre d’une OAP2, il est légal d’imposer 20 % de toi­ture en pho­to­vol­taïque, etc. Jusqu’où on va ? Jusqu’où ça remet en cause des pro­jets parce que les pro­mo­teurs construc­teurs ne suivent pas ? Donc, oui, c’est un bou­le­ver­se­ment abso­lu des pra­tiques. Et il y a des posi­tion­ne­ments, des tra­jec­toires ter­ri­to­riales qui sont très dif­fé­rentes. Cer­tains ter­ri­toires résistent en disant : « Je n’ai pas les com­pé­tences et je n’ai pas l’argent. » À l’inverse, d’autres en font le socle de leur pro­jet ter­ri­to­rial. Outre  la mécon­nais­sance des sujets, il y a aus­si la notion de risque. C’était bien pra­tique dans le monde de l’aménagement et de l’urbanisme quand les poli­tiques éner­gé­tiques étaient réglées par les éner­gé­ti­ciens et par l’État fran­çais. Il n’y avait pas de débat local. Donc une source de conflits en moins. Or, aujourd’hui, le déploie­ment des EnR, que ce soit les éoliennes ou le pho­to­vol­taïque, se fait dans un cli­mat social pas­sion­nel. C’est une couche de dif­fi­cul­tés sup­plé­men­taires pour les élus, ce qui explique les résis­tances de certains.

Arnaud Bru­nel : Les com­munes ont tel­le­ment de choses à gérer que quand l’énergie n’était pas chère, ce n’était pas une prio­ri­té. Mais ceci n’est pas propre aux col­lec­ti­vi­tés ; c’est un pro­blème cultu­rel. Quand on y pense, la moi­tié des comp­teurs élec­triques ne sont pas acces­sibles. Le vôtre est-il chez vous ? Dans une colonne mon­tante de votre immeuble ? Dans un mur à l’extérieur ? On n’a pas mis l’outil qui compte votre consom­ma­tion à côté de là où vous consom­mez. L’esprit, c’était de dire : « Appuyez sur le bou­ton, ça marche, il y a la lumière, pour­quoi vous occu­per du reste ? » Or, cette pré­oc­cu­pa­tion est main­te­nant réelle avec la hausse des prix de l’énergie et le chan­ge­ment cli­ma­tique. Même si les élus sont quand même enga­gés depuis très long­temps en faveur de la pro­tec­tion de l’environnement comme avec le zéro phy­to, l’éclairage noc­turne, l’isolation des bâti­ments, le tri des déchets, les filières courtes… Ils n’ont pas atten­du la crise actuelle pour agir.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


À pro­pos

Depuis 1932, Urba­nisme est le creu­set d’une réflexion per­ma­nente et de dis­cus­sions fécondes sur les enjeux sociaux, cultu­rels, ter­ri­to­riaux de la pro­duc­tion urbaine. La revue a tra­ver­sé les époques en réaf­fir­mant constam­ment l’originalité de sa ligne édi­to­riale et la qua­li­té de ses conte­nus, par le dia­logue entre cher­cheurs, opé­ra­teurs et déci­deurs, avec des regards pluriels.


CONTACT

01 45 45 45 00


News­let­ter

Infor­ma­tions légales
Pour rece­voir nos news­let­ters. Confor­mé­ment à l’ar­ticle 27 de la loi du 6 jan­vier 1978 et du règle­ment (UE) 2016/679 du Par­le­ment euro­péen et du Conseil du 27 avril 2016, vous dis­po­sez d’un droit d’ac­cès, de rec­ti­fi­ca­tions et d’op­po­si­tion, en nous contac­tant. Pour toutes infor­ma­tions, vous pou­vez accé­der à la poli­tique de pro­tec­tion des don­nées.


Menus