Voyage en ziZANie

La pré­si­dente de City Lin­ked, Sybil Cos­nard, pré­sente l’ouvrage Voyage en ziZA­Nie, paru en novembre der­nier, qui inter­roge les exi­gences quan­ti­ta­tives du « zéro arti­fi­cia­li­sa­tion nette » au prisme du qua­li­ta­tif : à quel prix, à quelle échelle et avec quels outils ?

Ça mur­mure, ça chu­chote, ça bruisse, puis ça monte en voix, ça fré­mit, ça gronde, ça s’agite et le bruit devient obsé­dant, pire qu’un acou­phène. Alors ten­tons d’étouffer le brou­ha­ha et par­lons ZAN.

L’ambition du ZAN, ou « zéro arti­fi­cia­li­sa­tion nette », semble légi­time dans un contexte où l’actualité nous rap­pelle sans cesse que nous devons trou­ver les moyens de réduire les impacts de nos modes de vie sur nos éco­sys­tèmes et nous alerte sur les catas­trophes liées au réchauf­fe­ment cli­ma­tique à courte échéance. Même en urba­nisme, la dis­ci­pline du temps long, l’urgence a désor­mais son concept qui acca­pare dis­cours et actions.

Com­ment serait-il pos­sible de refu­ser décem­ment un objec­tif visant à réduire l’artificialisation des sols dans un envi­ron­ne­ment qui nous met en garde contre la des­truc­tion de la bio­di­ver­si­té, l’augmentation des émis­sions de gaz à effet de serre, les risques liés à la pol­lu­tion des sols, de l’eau et de l’air et contre un modèle qui conti­nue de mettre en péril la pos­si­bi­li­té même de vivre et de se nourrir ?

Aug­men­ta­tion de la popu­la­tion et équi­libres de pro­duc­tion urbaine

L’objectif ZAN, avec sa pre­mière étape de réduc­tion de moi­tié à 2030, puis la deuxième fixée à 2050 pour atteindre une absence nette d’artificialisation, semble néan­moins rele­ver d’une idée fixe qui irrigue de toutes parts notre façon de concep­tua­li­ser l’aménagement du ter­ri­toire. Ceci car les outils manquent pour atteindre ce but et les moyens de mesure comme les défi­ni­tions régle­men­taires res­tent encore trop absents depuis la pro­mul­ga­tion de la loi. Le tout ZAN comme pos­tu­lat d’aménagement peut certes orien­ter nos manières de pen­ser vers plus de sobrié­té, mais l’objectif se confronte à deux paradoxes.

Le pre­mier est celui de l’augmentation de la popu­la­tion, du néces­saire impé­ra­tif de loger plus et mieux, de des­ser­vir les fonc­tions vitales de la ville, de pro­duire et offrir de l’emploi, mais aus­si, a contra­rio, de nour­rir avec soin dans le res­pect des sols, de garan­tir un air res­pi­rable et de pro­po­ser un envi­ron­ne­ment serein pour toutes et tous.

Le deuxième est celui de garan­tir des équi­libres de pro­duc­tion urbaine éco­no­mi­que­ment viables quand on connait le fos­sé exis­tant entre le prix des terres agri­coles et du fon­cier à bâtir, celui entre le prix de la construc­tion neuve et celui de la restruc­tu­ra­tion, celui encore du tout bitume contre l’aménagement et l’entretien d’espaces verts de qualité.

Alors com­ment aujourd’hui répondre à l’exigence du ZAN qui se défi­nit par une logique quan­ti­ta­tive – arti­fi­cia­li­ser moins –, quels sont les outils qua­li­ta­tifs pour dépas­ser ces para­doxes, et com­ment finan­cer le ZAN ? Il revient au légis­la­teur, aux pou­voirs publics, mais aus­si aux opé­ra­teurs d’imaginer des solu­tions per­met­tant de construire mieux, tout en rédui­sant la consom­ma­tion des sols et en répon­dant à une néces­si­té d’améliorer notre cadre de vie de manière générale.

Com­ment trans­po­ser notre connais­sance du sujet aujourd’hui mieux iden­ti­fié, à une pra­tique anté­rieure qui ne por­tait pas for­cé­ment le même nom et que le ZAN per­met de nom­mer ? C’est une drôle de ques­tion que celle du choix dans les exemples plé­tho­riques dont regorge la pra­tique, bons ou mau­vais, rien n’est si binaire et l’enjeu ne relè­ve­ra pas d’un juge­ment hors sol. Car si l’aménagement peut se tar­guer d’une chose, c’est d’être tou­jours un enjeu de contexte. C’est donc le contexte qu’il fau­dra inter­ro­ger et par décli­nai­son, l’échelle et la nature des territoires.

Le meilleur des prétextes ?

Répondre aux besoins d’espace sans gre­ver le vivant, tel est le nou­vel enjeu des acteurs de la ville, tant au niveau de la pla­ni­fi­ca­tion qu’en matière de modé­li­sa­tion de nou­velles formes urbaines. Ain­si posé, il est à se deman­der si le ZAN ne serait pas fina­le­ment le meilleur pré­texte, plus qu’une énième contrainte, pour se lan­cer avec soin, avec cœur, et allons plus loin, avec ardeur, dans la fabri­ca­tion d’une ville qui pose les inva­riants non seule­ment de notre rési­lience mais aus­si de nos dési­rs de vie. Comme pos­tu­lat incon­tes­table à tout geste de l’aménagement. C’est un nou­veau para­digme sen­sible, pro­fé­ré de cette manière, qui se des­sine, mais à quel prix, à quelle échelle et avec quels outils ?

Enfin, à force de faire rou­ler l’acronyme dans la bouche et de ten­ter une appro­pria­tion du concept, il appa­rait que l’approche quan­ti­ta­tive de l’équation doit être pon­dé­rée non pas en allant vers le « moins » qu’en allant vers le « mieux ».

 

L’ouvrage Voyage en ziZA­Nie se veut une rapide déam­bu­la­tion dans les décrets d’application, mais aus­si une pré­sen­ta­tion des des­ti­na­tions ten­dances du ZAN à toutes les échelles. Il est dis­po­nible en for­mat papier ou en e‑book : https://citylinked.fr/produit/voyage-en-zizanie/

 

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Depuis 1932, Urba­nisme est le creu­set d’une réflexion per­ma­nente et de dis­cus­sions fécondes sur les enjeux sociaux, cultu­rels, ter­ri­to­riaux de la pro­duc­tion urbaine. La revue a tra­ver­sé les époques en réaf­fir­mant constam­ment l’originalité de sa ligne édi­to­riale et la qua­li­té de ses conte­nus, par le dia­logue entre cher­cheurs, opé­ra­teurs et déci­deurs, avec des regards pluriels.


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