Dans une très récente interview, Emma Haziza, hydrologue, lançait une nouvelle alerte sur la ressource en eau – fortement impactée par notre consommation, nos usages et l’artificialisation des sols – conclue par ces mots : « Pourtant, toutes les solutions sont là, sous nos yeux, mais demandent du courage, de la volonté et surtout de l’action. »
Les paysagistes sont particulièrement formés et compétents pour traiter les questions d’aménagement du territoire, à toutes les échelles d’intervention et en intégrant toutes les problématiques inhérentes à l’exercice. Leur spécificité est de travailler avec le vivant, mais aussi avec les sites et la topographie ; pour ce qui concerne l’eau, du bassin-versant au fossé, à la noue, à l’avaloir, à la citerne.
L’eau fait partie des éléments majeurs de notre cadre de vie, elle est plus palpable que l’ombre et le soleil, elle nourrit, mais aussi, parfois, dévaste les territoires. Elle est support de biodiversité, ressource nécessaire des plantations et motif esthétique. La démarche paysagère a pour fondement d’intégrer le déjà-là, de le révéler, et aussi de le potentialiser : le paysagiste concepteur est amené à proposer, pour l’eau, des solutions durables et efficaces au travers de ses réalisations.
L’association des paysagistes-conseils de l’État (APCE) réunit environ 150 professionnels mis à disposition des services de l’État, qui ont pour mission de conseiller les préfets de chaque département et de chaque région. Sélectionnés sur concours et références faisant valoir leur expérience de maîtres d’œuvre, ils donnent des avis, orientent les projets, accompagnent les politiques publiques et – surtout – questionnent les méthodes, proposent, inventent, bousculent, innovent.
Chaque année, les paysagistes-conseils de l’État se retrouvent pour mener une réflexion sur un thème qu’ils choisissent d’approfondir. Fin octobre 2023, c’est le thème de l’eau qui sera exploré, aux prismes des risques et de l’agriculture, afin de diriger l’action concrète du paysagiste-concepteur en matière, notamment, de perméabilité des sols urbains et de la revitalisation des sols agricoles.
Différentes problématiques seront abordées, telle la réduction du risque inondation par la planification du rechargement des sols et des nappes phréatiques, selon la démarche/ méthode de paysage ; la reconstruction des sols lessivés, en réinterrogeant l’histoire des cultures et en renouant un cercle vertueux de consommation et de maîtrise des ruissellements. Ou encore, l’amoindrissement du violent impact de la baisse de ressource en eau, qui ne serait alors compensée que par la désalinisation.
Avec leurs confrères géographes, urbanistes-architectes, et avec les citoyens, les paysagistes-concepteurs, proches du terrain et rompus aux diagnostics de territoire, vont affirmer l’eau comme enjeu incontournable de l’aménagement des territoires.
Leurs actions démultipliées – comme celles des colibris – auprès des services de l’État, des élus, décideurs, aménageurs, promoteurs, vont, si reconnues à leur juste valeur, nécessairement contribuer à la mise en œuvre de politiques de transition responsables et acceptables.
Sophie Alexinsky, présidente de l’association des paysagistes-conseils de l’État (APCE).