La gratuité marque notre engagement
Maire de Montpellier et président de la Métropole Montpellier Méditerranée,
Michaël Delafosse explique ses choix pour la transition écologique.
Avec la gratuité, ne prenez-vous pas le risque d’obérer des recettes nécessaires ?
Notre choix est de « socialiser » le coût de la gratuité. On a bien socialisé le coût de fonctionnement des routes, nationales ou départementales, qui sont gratuites ! Comment allons-nous faire ? Il faut savoir faire un pas de côté pour réfléchir. La Métropole va prendre en charge une partie de la gratuité sur son budget général. Comme tous les présidents de métropole et d’agglomération, je suis confronté, du fait du Covid-19, à un effondrement de la fréquentation de notre réseau de transport : moins 30 % en moyenne à Montpellier comme en France. Nous sommes déjà obligés de socialiser ces pertes et de financer, sur le budget général, une partie du salaire des chauffeurs. Mais depuis le 5 septembre, date à laquelle la gratuité a été instaurée le week-end pour les habitants de la Métropole, la fréquentation a augmenté, ces jours-là, entre 5 % et 10 % par rapport à la fréquentation habituelle. Des gens me disent : « Nous avons laissé la voiture, nous sommes allés en famille en ville grâce à vous ! » Mon prédécesseur avait décidé la gratuité des parkings pour un coût de 1,5 million d’euros. J’ai fait un choix budgétaire différent, qui a permis d’instaurer rapidement la gratuité le week-end. Je voulais le faire vite, pour que les gens qui ont voté pour nous trouvent du sens à leurs suffrages.
Pourquoi n’avez-vous pas mis en œuvre une tarification sociale élargie ?
Je pense que ceux qui payent des impôts doivent bénéficier d’un certain nombre de prestations. Car les classes moyennes ont le sentiment de payer tout le temps le tarif fort ! Je veux contribuer à la réaffiliation par l’impôt et au consentement aux politiques de solidarité. Je veux aussi favoriser un changement de comportement des classes populaires dans le rapport à la mobilité en leur donnant un horizon positif. Ce n’est pas une écologie de conflit, mais une écologie positive qui renvoie à la responsabilité de chacun : je laisse ma voiture, je prends les transports en commun ou je roule à vélo, je limite la pollution de l’air.
Nous allons installer la gratuité par étapes : d’abord le week-end – c’est en cours –, puis par tranche d’âge et, enfin, pour tous.
Par tranche d’âge, c’est hyper important car l’enjeu vis-à-vis des jeunes est un rapport éducatif à leurs pratiques. Au lieu de se précipiter dès 18 ans pour s’inscrire à l’auto-école, comme les générations précédentes, les jeunes montpelliérains pourront se déplacer différemment, avec le transport gratuit ou le vélo.
S’agissant des personnes de plus de 65 ans, le défi est celui de « bien vieillir à Montpellier ». L’important est qu’ils puissent continuer à se déplacer à 80 ou même à 90 ans. Nous voulons les inciter à utiliser le réseau qui passe au pied de chez eux, aux heures creuses. C’est une contribution au pouvoir d’achat de retraités recevant de petites pensions, mais aussi une incitation au voyage pour que ces tranches d’âge continuent de s’approprier la ville.
L’autre grand argument opposé à la gratuité est l’hostilité des entreprises qui paient le versement mobilité et financent donc la gratuité de tous et pas seulement pour leurs salariés.
Nous avons beaucoup discuté avec les entreprises, qui se révèlent beaucoup moins hostiles à la gratuité qu’on le pense, notamment la CPME et le Medef. D’abord, la gratuité constitue un effort pour le pouvoir d’achat que les salariés demandent, mais que les entreprises ne font pas toujours, surtout en cette période. Ensuite, les entreprises sont les premières victimes du temps perdu par leurs collaborateurs dans les embouteillages. La réduction du trafic automobile constitue un gain pour elles. Enfin, les entreprises ont identifié un autre aspect de la dynamique de la gratuité : elle nourrit un récit conquérant pour Montpellier. Une ville se raconte à travers ses politiques publiques : nous, c’est la gratuité et une prime universelle de 500 euros pour l’acquisition d’un vélo à assistance électrique (VAE). Nous voulons provoquer ce choc : mettre des cadres, des avocats, des médecins, des professeurs sur des VAE pour une ville santé, une ville de la qualité de l’air, une ville qui s’apaise. Le VAE est une révolution de la mobilité. L’écosystème montpelliérain, c’est une ville qui ose ! Ce message, les entrepreneurs le reçoivent parfaitement.
Vous allez augmenter le versement mobilité ?
Je défends une idée iconoclaste : le versement mobilité est le vrai impôt de la transition écologique. Il faut le déplafonner !
Il faut en laisser la responsabilité aux élus dans le dialogue avec les entreprises. Vous savez, ici, les entrepreneurs me demandent d’installer les bus à haut niveau de service, les Métronomes, le plus rapidement possible. La gratuité, c’est aussi le développement des infrastructures de transport !
Si le président de la République veut réussir l’accord de Paris sur le climat, cela passe par l’engagement des territoires autour des questions des mobilités. Et les efforts de relance si nécessaires passent aussi par les investissements dans les transports. Et plus on investit dans ce secteur, plus on rend du temps aux salariés et avec la gratuité on leur rend du pouvoir d’achat.
© Ville et Métropole de Montpellier
À Lyon, le stationnement sera plus rare et plus cher
Fabien Bagnon, vice-président de la Métropole de Lyon, chargé de la voirie et des mobilités actives, est le nouveau président de l’entreprise publique locale (EPL) Lyon Parc Auto. Connu précédemment comme le « monsieur Vélo » de l’agglomération lyonnaise, il explique les nouvelles orientations de la Ville et de la Métropole en matière de déplacements et de stationnement.
Quel rôle pour Lyon Parc Auto dont vous êtes le président ?
J’avais rencontré Lyon Parc Auto en tant qu’associatif vélo il y a deux ans et j’avais constaté que cette entreprise publique locale était précurseur sur plusieurs sujets, comme l’autopartage (avec Citiz et Yea !). Devenu élu métropolitain, j’ai rapidement accepté la proposition du président de la Métropole, Bruno Bernard, d’en prendre la présidence. C’est un signal fort que j’occupe cette fonction avec deux préoccupations en tête : le rôle de LPA dans la transformation de l’espace public et le stationnement vélo. Car nous serons bientôt une des dernières grandes villes de France où la voiture est en libre circulation dans l’hypercentre. Dans un espace urbain hypercontraint, nous voulons développer les alternatives à l’automobile en permettant aux gens de choisir : le transport collectif, le vélo, la marche. Nous allons supprimer des voies de circulation pour les réserver aux bus et aux vélos, mais aussi à la végétation, et nous allons réduire un stationnement de surface abondant : 80 000 places dans Lyon, dont 37 000 payantes gérées d’ailleurs par LPA. L’entreprise, qui gère 31 parcs (20 820 places), aura donc un rôle extrêmement important par rapport au stationnement en ouvrage. Nous continuerons à encourager le stationnement résidentiel par abonnement et à réduire le stationnement horaire, même s’il est le plus lucratif. Il est d’ailleurs en baisse depuis 2015. Le stationnement sera plus rare et plus cher.
Ne risquez-vous pas de mettre en péril l’équilibre économique de LPA ?
Certainement pas. La demande de stationnement reste forte et nous avons des marges de manœuvre. Mon prédécesseur, Louis Pelaez, avait engagé une diversification de l’activité comme l’autopartage, qui est aussi une façon de supprimer des voitures en circulation. Ensuite le stationnement vélo va prendre de la place. Savez-vous que l’on peut mettre 7 vélos sur 1 place voiture ? Nous n’avons que 1 100 places sécurisées pour vélos (dans 17 parcs). Nous allons donc accroître cette offre. Le forfait stationnement vélo est relativement peu élevé (38 euros). Nous pouvons envisager de l’augmenter. Nous en discuterons avec les associations de cyclistes. Nous allons accélérer des évolutions déjà engagées. Nous voulons rééquilibrer l’usage de l’espace public encore dominé par la voiture, le végétaliser massivement, libérer de la place pour les trottoirs, rendre les cheminements plus lisibles et plus directs pour les piétons comme pour les cyclistes. Dans cette perspective, il est clair que LPA est un véritable outil de la transition écologique de la Ville et de la Métropole de Lyon.