Va-t-on vers une transformation radicale du système de mobilité ?

Le pre­mier confi­ne­ment et la réduc­tion dras­tique de l’offre de trans­port public qui l’a accom­pa­gné ont ame­né les cita­dins à recou­rir à des solu­tions qui étaient déjà en crois­sance avant la crise : le vélo, le télé­tra­vail et plus lar­ge­ment les acti­vi­tés à dis­tance (du télé-ensei­gne­ment aux télé­con­sul­ta­tions en pas­sant par les apé­ros Zoom), les livrai­sons, et la redé­cou­verte des offres com­mer­ciales de proxi­mi­té, y com­pris avec le « drive pié­ton ». On a vu aus­si, un peu par­tout dans le monde, appa­raître des ser­vices ren­dus à par­tir de véhi­cules pour des rai­sons sani­taires (drive de tests), ou pour main­te­nir le contact avec des clients res­treints dans leurs dépla­ce­ments (drive de ser­vices divers sur des par­kings de super­mar­ché, par exemple).

Ces solu­tions ont connu une crois­sance explo­sive pen­dant le confi­ne­ment, à la fois par exten­sion du nombre de pra­ti­quants et par inten­si­fi­ca­tion de l’usage. Dans la plu­part des cas, elles ont don­né satis­fac­tion. Dif­fé­rentes enquêtes attestent d’intentions de les pour­suivre, sug­gé­rant un fort effet de cli­quet. C’est vrai­sem­blable parce que les outils mobi­li­sés étaient déjà en croissance.

Va-t-on pour autant vers une trans­for­ma­tion radi­cale du sys­tème de mobilité ?
On peut en dou­ter pour trois raisons :

L’inertie du sys­tème de mobi­li­té est grande : les pre­miers résul­tats, par­tiels et pro­vi­soires, de l’enquête Trans­ports de 2019 donnent une part modale de la voi­ture dans les dépla­ce­ments quo­ti­diens de 63 % en 2019, contre 65 % en 2008, et 63 % en 1994. Ces parts sont res­pec­ti­ve­ment de 9 %, 8 % et 9 % pour les trans­ports publics. Un quart de siècle de pro­mo­tion des tram­ways et BHNS (bus à haut niveau de ser­vice), de sites pro­té­gés pour les modes ver­tueux et de lutte contre la voi­ture en ville n’ont rien chan­gé à l’échelle nationale.

L’effet de cli­quet ne sera que par­tiel : la pra­tique du télé­tra­vail, en crois­sance lente avant la crise, a certes explo­sé lors du pre­mier confi­ne­ment (pas­sant de 7 à 33 % des actifs en emploi en France, 39 % en Ile-de-France et 45 % à Paris) et réduit les réti­cences mul­tiples à son usage. Les télé­tra­vailleurs se sont majo­ri­tai­re­ment décla­rés satis­faits et ont expri­mé leur désir de conti­nuer. Néan­moins, la pra­tique a for­te­ment décru après le pre­mier confi­ne­ment : de 32 à 16 % en France, de 45 à 22 % à Paris. La dif­fé­rence avec le Royaume-Uni méri­te­rait expli­ca­tion : seules 29 % des per­sonnes tra­vaillant en bureau sont reve­nues sur leurs lieux de tra­vail à Londres, contre 61 à 78 % à Madrid, Franc­fort, Paris, Milan.

Enfin, un dou­ble­ment des pra­tiques de modes très mino­ri­taires (vélo et télé­tra­vail) n’entame que très peu la supré­ma­tie de la voi­ture, d’autant qu’une par­tie des nou­veaux adeptes vient des trans­ports publics.

Pho­to : © martinbertrand.fr/Shutterstock.com

Jean-Pierre Orfeuil, éco­no­miste et spé­cia­liste des transports

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