« Hors des métropoles, point de salut ? » : c’est le titre que nous avions envisagé pour ce dossier paru en 2016. Question, qui, avec la crise sanitaire actuelle, n’a rien perdu de sa pertinence. Retour sur notre enquête, avec les points de vue des chercheurs sollicités qui nous amènent à nuancer l’état des lieux.
L’ouvrage d’Olivier Razemon Comment la France a tué ses villes – lu attentivement par Francis Beaucire – apparaît plus nuancé que son titre catastrophiste. Quant au supposé déclin des petites villes (entre 5 000 et 30 000 habitants), il apparaît en trompe‑l’œil, comme l’expliquent Francis Beaucire, Ludovic Chalonge et Xavier Desjardins.
Jean-Charles Édouard récuse la vision de petites villes auvergnates en perdition. Il montre au contraire leur capacité d’adaptation avec des stratégies différenciées. Dans un autre registre, Philippe Cuntigh, Grégoire Feyt, Maud Hirczak et Yoann Morin font apparaître la réalité d’une présence de l’enseignement supérieur et de la recherche dans des territoires de faible densité comme la vallée de la Drôme et le Sud Ardèche.
En fait, les problèmes des villes petites et moyennes se concentrent souvent dans leurs centres anciens touchés par une désaffection résidentielle et une déprise commerciale et dans leurs cités HLM paupérisées, comme l’analysent Samuel Balti et Fabrice Escaffre.
L’autre dynamique négative qui les affecte est celle de la réorganisation parfois brutale des services publics d’État à laquelle ces villes ont dû faire face depuis plusieurs années. Thibault Courcelle, Ygal Fijakow et François Taulelle décrivent leurs capacités d’adaptation et d’innovation, qui restent cependant fragiles.
De plus en plus de villes dites moyennes s’attaquent à la transformation de leur cœur de ville : commerces, habitat, activités économiques, requalification des bâtiments publics, circulation.
Cahors (20 000 habitants), ville touristique qui conforte son attractivité, tout en étant partie prenante avec d’autres agglomérations moyennes du Dialogue métropolitain de Toulouse. Libourne (25 000 habitants) qui, après avoir longtemps tourné le dos à la métropole bordelaise voisine, fait aujourd’hui le pari du périmétropolitain. Montluçon (40 000 habitants), à l’inverse, échappe à la sphère d’influence d’une métropole et veut jouer pleinement son rôle de pôle d’équilibre pour le territoire environnant.
Dans une fiction prospective, Stéphane Cordobes évoque l’abandon de l’objet territorial « ville moyenne » au profit de « lieux d’intensité urbaine intermédiaire », ceci dans le cadre d’une révolution intellectuelle plus globale. Acceptons-en l’augure.
Antoine Loubière et Jean-Michel Mestres
Photo : Maisons médiévales dans la vieille ville de Cahors, Occitanie, France © Shutterstock