« 2050 a commencé aujourd’hui »
Située à l’est de la métropole de Lyon, à cheval sur les communes de Saint-Priest, Bron et Chassieu, la Porte des Alpes est un territoire historique de développement économique, commercial et de loisirs.
Sa superficie de 1 350 hectares accueille près de 350 entreprises, pour presque 13 000 emplois réunis en plusieurs polarités industrielle (Mi-Plaine), tertiaire ou mixte (parc du Chêne et parc technologique). Plusieurs équipements emblématiques y sont implantés. Tout d’abord, l’aéroport Lyon-Bron, dédié à l’aviation d’affaires (le troisième de cette catégorie à l’échelle nationale). Ensuite, le campus universitaire de Lyon 2 qui accueille une partie des 27000 étudiants de la faculté. Sans oublier le parc d’exposition Eurexpo (le deuxième plus grand de France après celui de Paris) où se tiennent chaque année entre 50 et 60 salons. Enfin, l’identité de ce vaste territoire est aussi fortement agricole, avec notamment la plaine du Biézin, mais également naturelle, avec le très fréquenté parc de Parilly, la forêt de Feuilly…
Un modele économique obsolète
Malgré ces atouts, la Porte des Alpes affiche plusieurs fragilités. Son tissu économique et commercial disparate, fabriqué par juxtaposition d’opérations successives sur plusieurs décennies, manque de cohérence et souffre d’une baisse d’activité. Malgré la présence du tramway, la faible desserte en transports en commun des zones industrielles et des parcs d’activité décourage de plus en plus l’implantation des entreprises. Il en résulte une image de territoire « servant » la métropole et ne proposant que peu d’usages. En témoigne d’ailleurs son faible nombre d’habitants, 5 840, qui en dit long sur son attractivité.
Face à un modèle aménagiste en voie d’obsolescence, à la volonté publique de revoir les modes de développement urbains en enrayant l’étalement pour privilégier l’intensification, mais aussi (et surtout) à la menace d’un réchauffement climatique qui s’annonce particulièrement préoccupant pour le territoire lyonnais dans son ensemble, la Métropole de Lyon a souhaité engager un temps de réflexion et de projection pour construire une stratégie de valorisation et de développement de ce secteur aux horizons 2030, 2040 et 2050. Mené sous la bannière « Grande Porte des Alpes », en partenariat avec les communes de Bron, Chassieu et Saint-Priest, ainsi que le Sytral (syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise) et le Sepal (syndicat mixte d’études et de programmation de l’agglomération lyonnaise), cet exercice de prospective original a pour objectif de penser les futurs modes de vie, de travailler, de consommer, de s’alimenter, d’étudier, d’habiter tout en reconsidérant notre rapport aux espaces naturels et à la biodiversité.
Une consultation internationale prospective
En novembre 2021, la Métropole de Lyon a lancé un appel d’offres pour sélectionner les équipes qui travailleront sur la consultation internationale d’urbanisme « Grande Porte des Alpes ». Celles-ci devaient être constituées de mandataires architecte et urbaniste et des cotraitants dans les domaines de compétences suivants : architecture, paysagisme et urbanisme, économie, habitat, sociologie, mobilités, infrastructures, approches environnementales. Les trois équipes pluridisciplinaires retenues sont Devillers et Associés, Lafayette, et 51N4E.
En termes méthodologiques, la maîtrise d’ouvrage est venue poser un cadre dans lequel les trois équipes ont pu évoluer librement. Tout au long de l’année qu’a duré l’étude, de nombreux temps en commun se sont tenus – mobilisant plus de 200 per- sonnes (acteurs économiques, institutionnels et associatifs) –, notamment quatre grands séminaires. Celui de juillet 2022 a été consacré à l’immersion et la visite dans le territoire avec les acteurs au cœur des problématiques. Celui d’octobre 2022 a vu les équipes livrer un rapport d’étonnement, afin d’apporter une lecture singulière du territoire. Le séminaire de janvier 2023 a permis l’exposition des travaux des équipes sur des grands formats, pour entrer en prospective et s’immerger en 2050. Enfin, le mois de juin a été l’occasion d’organiser des échanges bilatéraux avec les maires et les vice-présidents.
Il est ici important de rappeler que cet exercice n’était en aucun cas un concours : les équipes n’étaient pas mises en concurrence, mais développaient chacune sa vision, en coopération avec l’ensemble des parties prenantes. Ces trois visions, différenciées et interpellantes, constituent autant de scénarios imaginant la ville de demain à l’aune des enjeux des transitions environnementales et sociales. Pour Sébastien Chambe, directeur général adjoint urbanisme et mobilités à la Métropole de Lyon, cet exercice de prospective offre l’avantage d’être « moins générique que lorsque l’on parle du destin d’une grande agglomération, mais aussi moins politique, puisque les idées ne sont pas attachées à un projet d’aménagement réel ».
Le 2 octobre 2023, les équipes ont restitué leurs travaux au château de Saint-Priest. Pour approfondir leur présentation, la journée a été rythmée par la tenue de six tables rondes sur les thèmes de la mobilité, de l’accès à la fraîcheur, de l’accueil des nouveaux habitants, de l’intensité productive, de l’amplification des espaces publics et de l’agriculture. Les scénarios proposés, qui pouvaient contenir des « suggestions parfois quelque peu provocatrices », comme l’a exprimé Gilles Gascon, le maire de Saint-Priest, n’ont pas manqué de susciter le débat.
Mais comme l’a rappelé le géographe et chercheur Michel Lussault, président du conseil scientifique Grande Porte des Alpes, « la prospective, c’est ne rien s’interdire, c’est se donner la possibilité d’évoquer toutes les idées […], y compris celles qui nous interpellent ». D’autant plus que, toujours d’après lui, « 2050 a commencé aujourd’hui ».
Rodolphe Casso
(Photo de couverture : Le secteur Berliet imaginé par l’équipe Lafayette (détail), Seule Yi (agence La Slow))
Ce numéro est un supplément au n°435 “La clé des sols”. Il ne peut être vendu séparément.
Pour acheter le numéro 435 et son supplément “Grande Porte des Alpes” en version papier ou en version numérique