La question peut étonner, voire déconcerter, mais, c’est un fait, elle traverse tous les articles qui composent ce dossier.
Non pas « où est-elle ? », car elle est partout, ayant largement débordé des domaines techniques pour investir les champs amont de l’aide à la décision et de l’organisation, et ceux aval de la gestion, de l’exploitation et de la maintenance.
Ni « à quoi sert-elle ? », puisqu’elle est très manifestement nécessaire aujourd’hui, et plus que jamais – de toute évidence – mobilisée auprès des donneurs d’ordres publics et privés.
Mais bien « qui est-elle ? », cette grande discrète qui peine même à définir de quoi elle est le nom.
Il faut dire que l’aura de prestige qui accompagnait les missions techniques des grandes sociétés de conseil et leurs ingénieurs consultants, grands rivaux en légitimité des architectes, a fait place à une expression moins démonstrative d’une autre maîtrise : celle des process, des horloges et des budgets.
À les lire, les acteurs de l’ingénierie territoriale et urbaine et ceux – chercheurs universitaires – qui les observent parviennent fort bien à poser le périmètre pourtant mouvant et les grands fondamentaux de leur exercice professionnel.
C’est un domaine d’activité dont les moyens humains sont pour partie dans la sphère publique – les services des collectivités – et pour partie dans des structures privées de conseil dénommées très diversement (bureau d’études, société de conseil, de consulting, etc.). Ce sont quelques professions et de nombreux métiers en perpétuelle réinvention au gré notamment des politiques successives d’aménagement du territoire, de l’émergence de problématiques fondamentales liées au développement durable, de nouvelles postures collectives par rapport aux incertitudes et aux risques, de l’évolution des positions et des moyens des collectivités locales. Ce sont des équipes d’ingénieurs – à qui on a demandé progressivement d’élargir leur vision et de devenir des généralistes capables, par la méthode, de résoudre la complexité croissante des missions – et d’universitaires, qui en ont peu à peu grossi les rangs en qualité de véritables experts, car les mieux formés aux réponses à apporter aux enjeux nouveaux.
Ces acteurs font tous preuve d’une grande maturité et sincérité quand ils évoquent la pluralité des questions qui leur sont posées et des missions qui en découlent, ou leur attachement au respect et à la défense de l’intérêt général. Et quand ils s’expriment aujourd’hui, c’est moins avec discrétion que modestie, de celle qui accompagne tout travail d’introspection quand il est à l’oeuvre.
Chut ! L’ingénierie se questionne.
Julien Meyrignac
Photo : École d’architecture de la ville & des territoires Paris-Est, université Gustave-Eiffel, 2021 © Myr Muratet/Divergence