Réinventer les stations de montagne

Mais où sont les neiges d’antan ? », se déso­lait Fran­çois Vil­lon à la fin du XVe siècle, pour évo­quer le temps qui passe. « Nous les avons fait fondre », répon­dront les hommes du XXIe siècle, en par­lant du man­teau qui recouvre la mon­tagne et son patri­moine humain et natu­rel. L’installation d’usines à ski sur les plus hautes alti­tudes a trans­for­mé le pay­sage, et l’activité humaine – à une échelle bien plus large que le seul éco­sys­tème mon­ta­gnard – achève de le défi­gu­rer. Et pour­tant, l’aspiration à la mon­tagne ne se dément pas.

La revue Urba­nisme s’empare à nou­veau du sujet dans une conti­nui­té his­to­rique assu­mée. Dès 1970, la revue Urba­nisme consa­crait 75 pages de son n° 116 à la mon­tagne. Domine alors la vision de la mon­tagne comme un « espace poé­tique » – titre de l’article de Sami­vel, célèbre écri­vain, artiste et alpi­niste – qu’il fal­lait pré­ser­ver à tout prix en même temps qu’équiper, afin de per­mettre au plus grand nombre de pro­fi­ter de ce milieu natu­rel excep­tion­nel. Le dos­sier fai­sait se répondre des exi­gences qui n’apparaissaient pas contra­dic­toires : « Res­pec­ter la mon­tagne », « Vivre en mon­tagne », « Urba­ni­ser la mon­tagne ». Plu­sieurs articles pro­po­saient des métho­do­lo­gies détaillées de réa­li­sa­tion des sta­tions de sports d’hiver.
Les contri­bu­teurs ont alors pour nom Laurent Chap­pis (archi­tecte et urba­niste, qui fut l’urbaniste en chef de Cour­che­vel 1850), Vincent Cam­bau (X‑Ponts, pré­sident de la com­mis­sion tech­nique des télé­phé­riques), Georges Cumin (l’un des inven­teurs des Menuires), Phi­lippe Tray­nard (pré­sident du Club alpin de Gre­noble et du conseil scien­ti­fique du parc de la Vanoise), Michel Bezan­çon (archi­tecte et urba­niste de La Plagne), Éric Bois­son­nas (créa­teur de Flaine)…
La liste exhaus­tive serait longue. Des pion­niers, des acteurs, des vision­naires, des pas­sion­nés… des mas­sifs alpins et de leurs sta­tions. Dans son édi­to­rial, le pré­sident du comi­té édi­to­rial de l’époque, Charles Del­fante (archi­tecte et urba­niste, res­pon­sable du Plan d’aménagement et d’organisation de la région lyon­naise, puis direc­teur de l’atelier muni­ci­pal d’urbanisme), s’interroge : « La volon­té de ren­ta­bi­li­té immé­diate, qui s’est sub­sti­tuée à une poli­tique d’ensemble à long terme, risque demain de nous pro­cu­rer de graves ennuis. Il n’est peut-être pas trop tard pour s’interroger sur les fins (l’aménagement de la mon­tagne pour qui, pour quoi… ?) ; aus­si doit-on le faire car il sera ensuite moins dif­fi­cile d’étudier comment. »

Cin­quante ans plus tard, Urba­nisme revient donc sur le sujet. À l’heure du chan­ge­ment cli­ma­tique, de la fonte des neiges et des gla­ciers, ain­si que des néces­si­tés de la tran­si­tion éco­lo­gique, les sta­tions de mon­tagne ont des virages à prendre. Elles ont été dans le pas­sé des labo­ra­toires d’innovations urba­nis­tiques et archi­tec­tu­rales et elles ont encore bien des champs à explorer.
Il n’est qu’à voir le déve­lop­pe­ment en cours des télé­phé­riques urbains, en France ou en Amé­rique latine. Leurs pro­blé­ma­tiques inter­rogent non seule­ment la pré­ser­va­tion de la mon­tagne, mais son ave­nir à moyen terme, non seule­ment le bien-être des skieurs, mais celui d’une popu­la­tion bien plus large, à com­men­cer par ceux qui y vivent à l’année, et les formes des urba­ni­tés sin­gu­lières qu’elles repré­sentent. Lieux dédiés aux loi­sirs, elles doivent, selon la for­mule consa­crée, « se réin­ven­ter ». Mais il ne suf­fit pas d’installer quelques pan­neaux solaires sur les toits pour deve­nir ver­tueux. Pour nous éclai­rer sur ces ques­tions, ce ne sont pas des acteurs qui ont été conviés cette fois à décryp­ter le deve­nir des sta­tions de mon­tagne, mais des cher­cheurs, pour la plu­part géo­graphes, archi­tectes, urba­nistes, éco­no­mistes, socio­logues. Ils reviennent sur l’histoire et la créa­tion de plu­sieurs modèles de sta­tions « à la fran­çaise » et ana­lysent les leviers de leur réinvention.

Un fil relie les contri­bu­teurs de ce dos­sier à leurs pré­dé­ces­seurs. Ce sont, les uns et les autres, des pas­sion­nés de la mon­tagne. Pour eux, la mon­tagne n’est pas un sujet d’étude comme les autres. Notre rela­tion à la mon­tagne et à ces petites villes sin­gu­lières et sai­son­nières qui ont pous­sé en alti­tude a beau­coup à nous dire de ce que nous sommes et de ce que nous vou­lons devenir.

Jean-Michel Mestres

Pho­to : La sta­tion de Flaine (Haute-Savoie) conçue par Mar­cel Breuer (1902–1981) dans les années 1960 © Oli­vier Metzger

 

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À pro­pos

Depuis 1932, Urba­nisme est le creu­set d’une réflexion per­ma­nente et de dis­cus­sions fécondes sur les enjeux sociaux, cultu­rels, ter­ri­to­riaux de la pro­duc­tion urbaine. La revue a tra­ver­sé les époques en réaf­fir­mant constam­ment l’originalité de sa ligne édi­to­riale et la qua­li­té de ses conte­nus, par le dia­logue entre cher­cheurs, opé­ra­teurs et déci­deurs, avec des regards pluriels.


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