« Générations, “aidez-moi” »

« C’est l’histoire d’une époque qui nous rap­pelle que tout s’arrête », tel est le cri mélancolique de Jules Gar­nier, alias The Doug, qui dépeint la frus­tra­tion d’une jeu­nesse qui gran­dit dans une période de crise à tous les niveaux.

Une jeu­nesse qui se sou­vient à peine d’un monde sans réseaux sociaux, ni téléphones intel­li­gents. Une jeu­nesse amère et nos­tal­gique d’une insou­ciance qu’elle n’a pas connue, qui n’hésite pas à remettre en cause l’héritage des générations précédentes.

Régulièrement sommée d’être la classe d’âge la plus déprimée, anxieuse et men­ta­le­ment fra­gile, elle serait aus­si jugée trop cajolée par ses recru­teurs, rebelle et exi­geante : qu’en est-il de la Gen Z¹ qui gagne le monde du tra­vail et en quoi trans­forme-t-elle le modèle pro­fes­sion­nel des urbanistes ?

 

Gen Z ver­sus les précédentes : un dia­logue de sourds ?

Il flot­te­rait dans l’air comme un nou­veau conflit de générations² : un fossé se creu­se­rait entre une « génération cli­mat », perçue comme sacrifiée, jugée réfractaire à la hiérarchie et à l’autorité, en quête de sens et d’identité, et des anciennes générations réputées matérialistes, indi­vi­dua­listes et compétitives, accusées d’avoir trop pro­fité des res­sources d’une planète en sur­chauffe et qui ont bien du mal à com­prendre leurs jeunes recrues.

Selon une étude d’Ipsos menée en 2024³, près de 60 % des employeurs jugent la génération Z moins inves­tie au tra­vail que ses aînés ; 70 % moins fidèles à l’entreprise ; et la moi­tié d’entre eux moins res­pec­tueuse de la hiérarchie. De l’autre côté du CV, plus de 80 % des jeunes de moins de 30 ans interrogés disent avoir le goût du tra­vail et considèrent la réussite pro­fes­sion­nelle comme essentielle.

Ce résultat en contraste signi­fie-t-il que les générations ne se com­prennent pas…, ou bien qu’elles ne se connaissent pas ?

 

Des jeunes diplômés en quête d’équilibre

Voi­là ce vers quoi semblent conver­ger toutes les études sur les jeunes et le tra­vail : la réponse se trou­ve­rait sur­tout dans les attentes des jeunes diplômés.

Bien que simi­laires à celles de leurs aînés, elles seraient bien plus élevées que celles des autres générations. La génération Z aspire à réussir pro­fes­sion­nel­le­ment sans com­pro­mettre ses valeurs et sans sacri­fier sa vie personnelle.

 

Et les métiers de la ville dans tout ça ?

Les « zoo­mers » gagnent pro­gres­si­ve­ment le marché du tra­vail et les enjeux de tran­si­tion écologique, présents de longue date dans la pro­fes­sion, appa­raissent comme un cadre idéal pour une génération en quête de chan­ge­ment sociétal.

En effet, quoi de plus satis­fai­sant que de deve­nir « l’un des acteurs économiques intégrés dans le système pour le trans­for­mer 4 » ? Mais face aux temporalités de l’urbanisme et de l’aménagement, la tran­si­tion va-t-elle assez vite aux yeux de la Gen Z?

 

Développer le lien pour ren­for­cer la force de frappe d’une profession ?

Quelle que soit sa génération, un urba­niste se veut dans la défense de l’intérêt général. La nou­velle génération vient sans doute avec des idées qui pour­ront sem­bler à cer­tains radi­cales, mais la fina­lité du dis­cours reste la même : celle d’organiser dans l’espace et le temps une société mieux adaptée à son milieu.

Les générations d’urbanistes possèdent des pers­pec­tives com­munes. Entre réseaux numériques et échanges phy­siques, tout l’enjeu est de mul­ti­plier les ponts et les inter­ac­tions entre générations 5. L’occasion de prendre conscience de nos convic­tions com­munes, crédibiliser nos pos­tures et trou­ver les leviers pour aug­men­ter notre écho au sein d’une société en mouvement.

Col­lec­tif des jeunes urba­nistes (CJNU)

 

Pho­to : Fré­dé­ric Pasquini

Titre/The Doug, Génération, album Mau­vais Joueur, 2023.

1/La génération Z, sou­vent appelée les « zoo­mers », regroupe les per­sonnes nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2010, généralement entre 1997 et 2012. Elle succède à la génération Y et précède la génération Alpha. Elle est définie comme une génération née alors que les com­mu­ni­ca­tions numériques étaient déjà bien installées dans la société.
2/Nicolas Truong, « Dérèglement cli­ma­tique, rap­port au tra­vail ou à la sexua­lité : un nou­veau conflit de générations flotte dans l’air du temps », Le Monde, février 2023.
3/Ipsos pour le CESI, « Quel rap­port la Gen Z entre­tient-elle avec l’entreprise? », Obser­va­toire sociétal des entre­prises, juin 2024.
4/Julie Démoulins, « Peut-on être jeune et archi­tecte ? », Urba­nisme, n° 424, mars-avril 2022.
5/La dyna­mique asso­cia­tive des asso­cia­tions d’étudiants et diplômés en urba­nisme s’est essoufflée durant le Covid et ne semble pas se rele­ver complètement. Ce constat est également mesuré pour l’ensemble des asso­cia­tions, tout type de domaine confondu.

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