Franck Boutté : « Learning from the South »

le 19 octobre 2015, l'architecte Franck Boutté dans ses bureaux à Paris.
Franck Boutté, ingénieur, développe avec son agence une méthodologie de travail basée sur le bioclimatisme du Sud, pour imaginer la ville méditerranéenne de demain.
 

 

Qu’est-ce que les villes médi­ter­ra­néennes ont à nous apprendre de la façon de fabri­quer la ville de demain ?

Franck Bout­té/ Fabri­quer la ville, c’est impac­ter, modi­fier une mor­pho­lo­gie, un cli­mat, un milieu. La ques­tion que nous nous posons sys­té­ma­ti­que­ment à l’agence est la sui­vante : com­ment construire avec le milieu comme res­source et avec le milieu comme contrainte ? L’objectif est d’atténuer le recours aux sys­tèmes éner­gi­vores et d’anticiper l’état du milieu auquel on intègre du bâti. Nous déve­lop­pons ain­si une réflexion pour une éco­lo­gie des pays chauds. Il s’agit de façon­ner la mor­pho­lo­gie urbaine, en réflé­chis­sant un pro­jet urbain qui tienne compte des élé­ments natu­rels que sont le vent, le soleil, l’ombre. C’est en quelque sorte une relec­ture de ce que l’architecture ver­na­cu­laire nous enseigne : il s’agit de prendre en compte la dimen­sion cultu­relle du cli­mat, à savoir la manière dont on vit et amé­nage avec ce cli­mat. Les socié­tés humaines amé­nagent leurs envi­ron­ne­ments bâtis en fonc­tion de leurs valeurs et de leurs repré­sen­ta­tions, néces­sai­re­ment liées au cli­mat qu’elles ren­contrent. La façon de bâtir face à un cli­mat dif­fère d’un endroit à l’autre, d’un pays à l’autre. La ques­tion du loca­lisme est cen­trale dans la démarche qui est la nôtre : nous ten­tons de déve­lop­per un bio­cli­ma­tisme du Sud.

 

Qu’appelez-vous le bio­cli­ma­tisme du Sud ?

Franck Bout­té/ C’est un concept déve­lop­pé avec l’augmentation des tem­pé­ra­tures moyennes, mais aus­si des évè­ne­ments météo­ro­lo­giques et cli­ma­tiques extrêmes. Le modèle bio­cli­ma­tique déve­lop­pé dans les pays du nord de l’Europe a pour objec­tif de chauf­fer le moins pos­sible arti­fi­ciel­le­ment en hiver et de tendre vers des bâti­ments low-tech. Or, les modèles de l’écologie du Sud sont la plu­part du temps cal­qués sur les modèles de l’écologie du Nord. Très sou­vent les pla­ni­fi­ca­teurs médi­ter­ra­néens tentent d’appliquer les normes HQE® pour concep­tua­li­ser les cités du Sud, alors même que ces normes, nées dans le nord de l’Europe, ont du mal à s’appliquer aux cli­mats du sud de la France. Dans le Nord, l’extérieur n’est pas consi­dé­ré de la même façon, la conti­nui­té inté­rieur-exté­rieur ne joue pas le même rôle.

Pen­ser la ville du Sud néces­site alors une inver­sion de para­digme : toutes les approches de bio­cli­ma­tisme déve­lop­pées et concep- tua­li­sées par les pays du Nord font de la recherche du soleil une valeur abso­lue. For­ma­li­ser dans le Sud le confort au tra­vers des approches réfé­ren­tielles HQE, BREEAM ou LEED n’a pas de sens. Les études avec des indi­ca­teurs ou des modèles clas­siques ne sont pas adap­tées : il faut tra­vailler obli­ga­toi­re­ment la notion de tem­pé­ra­ture res­sen­tie ou d’approche sen­so­rielle du confort, et donc s’intéresser à d’autres leviers. La tem­pé­ra­ture de l’air doit être com­bi­née à la tem­pé­ra­ture radiante, pour com­men­cer à racon­ter des choses. Il est enfin indis­pen­sable de s’intéresser au dépla­ce­ment d’air et à l’humidité pour réunir les quatre notions du cli­mat, afin d’appréhender la notion de confort.

Si au Nord, on cherche à chauf­fer le plus natu­rel­le­ment pos­sible ; au Sud, l’idée est de ven­ti­ler le plus natu­rel­le­ment pos­sible, avec une concep­tion du bâti dont la forme et les par­ties mobiles s’adaptent au cli­mat : zones d’échanges, zones tam­pons entre inté­rieur et exté­rieur, volets, log­gias. Mais les enjeux ne sont pas les mêmes selon les cli­mats en dif­fé­rentes situa­tions géo­gra­phiques, les sai­sons. Ils ne sont pas non plus les mêmes pour un même site à dif­fé­rentes échelles de temps, compte tenu des évo­lu­tions cli­ma­tiques rapides. Il faut aujourd’hui évo­luer vers une réflexion de bio­cli­ma­tisme à l’échelle urbaine.

 

En quoi l’articulation des échelles per­met une meilleure concep­tion des villes du Sud ?

Franck Boutté/ La cohé­rence sca­laire, qui est évi­dem­ment impor­tante dans tout pro­jet, devient encore plus vraie pour le Sud, puisqu’il s’agit de réflé­chir à la ven­ti­la­tion des sys­tèmes archi­tec­tu­raux et urbains. Pour cela, il faut s’intéresser aux trames d’écoulement de l’air. Ce que l’on appelle les trames aérau­liques, qui impactent néces­sai­re­ment la concep­tion de la forme urbaine et des formes archi­tec­tu­rales, puisqu’il faut jouer depuis la géo­gra­phie jusqu’à la grille de ven­ti­la­tion. Il est néces­saire de com­prendre où l’on se situe : se trou­ver à proxi­mi­té d’un espace boi­sé impor­tant ou à proxi­mi­té d’une masse d’eau d’envergure n’a pas du tout le même impact que de se retrou­ver en plein désert. Il faut réflé­chir depuis la géo­gra­phie jusqu’à la matière.

 

C’est ce que vous avez mis en place pour la pre­mière fois pour le pro­jet du quar­tier d’Anfa au Maroc, avec Ber­nard Reichen ?

Franck Boutté/ Exac­te­ment. Notre tra­vail a consis­té à sub­sti­tuer à une com­mande d’écocité – très quan­ti­ta­tive et sta­tis­tique – une fabrique d’une forme urbaine, visant des per­for­mances ambi­tieuses via des moyens pas­sifs et simples. Nous nous sommes inté­res­sés à l’orientation de la trame viaire, aux patios d’ombre, à des patios de lumière, au pou­voir rafraî­chis­sant des vents, à la récu­pé­ra­tion des eaux plu­viales. C’est en quelque sorte une manière de renouer avec la pro­toé­co­lo­gie, cette forme d’intelligence qui per­met l’adaptation des hommes et du vivant au milieu. Il faut plu­tôt « ména­ger » les lieux dans les­quels on vient s’installer. Nous avons pour­sui­vi ce tra­vail avec Zena­ta et la créa­tion de cette ville nou­velle durable de 500 000 habi­tants, dont la forme urbaine exploite les spé­ci­fi­ci­tés du cli­mat maro­cain. Autour des trois valeurs – cli­mat, his­toire, culture –, nous avons réflé­chi à cette idée de bio­cli­ma­tisme du Sud. Le Maroc a la chance d’avoir un cli­mat tem­pé­ré chaud, et l’on s’est ren­du compte qu’avec pas grand-chose, on pou­vait très vite faire des bâti­ments sans sys­tème technologique.

Ber­nard Rei­chen avait com­men­cé à concep­tua­li­ser sa ville en trois strates avec socle, podium et émer­gences. Le socle por­tait un peu l’analogie de la médi­na ou com­ment fabri­quer une ville du dédale, une ville laby­rin­thique qui arrive à pro­duire de l’ombre et du vent avec un tra­vail sur une forme orga­nique. Puis le podium per­met­tait de se remettre à la hau­teur de la ville de Casa­blan­ca. Enfin, les émer­gences fabriquent de l’ombre sur le reste de la ville, sur le podium. Nous avons donc conçu les émer­gences en fonc­tion de la courbe du soleil, et les avons posi­tion­nées de manière à pou­voir cher­cher une conti­nui­té d’ombre. Dans les par­ties les plus ombra­gées par ces émer­gences, les podiums ont été évi­dés, pro­po­sant ain­si des déve­lop­pés de façade plus impor­tants. À par­tir de cette forme urbaine liée au cli­mat, ils ont posi­tion­né les élé­ments de pro­gramme, for­çant la maî­trise d’ouvrage à com­plè­te­ment recon­si­dé­rer son sché­ma ori­gi­nel. Ils ont ain­si loca­li­sé les espaces ter­tiaires dans les patios d’ombre et les espaces de loge­ment dans les patios de lumière. Ce tra­vail d’évidement a fina­le­ment per­mis de redes­si­ner le ciel du socle dans l’esprit de la médi­na, avec des apports de lumière dif­fus et diffractés.

 

Zena­ta, ville nou­velle, Grand Casablanca

 

Exploi­ter les spé­ci­fi­ci­tés du cli­mat maro­cain pour déve­lop­per une éco­lo­gie du Sud low-tech et no-cost, façon­ner la ville avec de grands cou­loirs de vents venus de la mer pour la rafraî­chir natu­rel­le­ment, orga­ni­ser les îlots autour de patios d’ombre et de végé­ta­tion, croi­ser pro­gram­ma­tion urbaine et micro­cli­mats. Maître d’œuvre : Rei­chen et Robert & Asso­ciés © Agence Franck Bout­té Consultants

 

Qu’en est-il à Zena­ta de la trame aérau­lique ?

Franck Boutté/ Nous nous sommes appuyés sur les noyaux vil­la­geois, seules construc­tions pré­sentes sur ce site qua­si vierge. Nous avons réflé­chi au prin­cipe du rafraî­chis­seur adia­ba­tique, qui per­met, par l’échange entre l’air et l’eau, l’insufflation d’un air plus frais. Nous avons ain­si ima­gi­né uti­li­ser le végé­tal dans sa sur­face d’échange et sa teneur en eau pour ins­tal­ler une trame urbaine. En croi­sant avec le tra­vail de l’ombre por­tée par le prin­cipe socle-podium-émer­gence, la trame bio­cli­ma­tique de la ville nou­velle a ain­si vu le jour. Cela donne un très beau plan urbain et pay­sa­ger des­si­né par Rei­chen et Robert et l’agence TER. En nous ser­vant des vents marins du nord, ceux-ci sont ame­nés à péné­trer à l’intérieur de la ville, sous forme arbo­res­cente, par­cou­rant les rues, les entre-deux, les vides entre les bâti­ments, etc. Cela donne une figure de ce que Ber­nard Rei­chen a appe­lé la « ville détra­mée » et porte une approche durable de la concep­tion extrê­me­ment inté­grée. Ce type de concep­tion bio­cli­ma­tique per­met d’insuffler de l’intelligence, de la per­for­mance, de la qua­li­té dans la forme et dans la matière elle-même. Cela fabrique un ADN propre au projet.

 

Cela impacte éga­le­ment l’ADN des archi­tec­tures qui consti­tuent la ville ?

Franck Boutté/ Évi­dem­ment. Cette ques­tion sca­laire, nous l’avons beau­coup pous­sée sur Zena­ta dans l’organisation des îlots, la dis­po­si­tion et même la mor­pho­lo­gie des bâti­ments. Une fois fabri­qué, un cou­rant d’air rafraî­chis­sant per­met de géné­rer des pres­sions de vent. Il faut pou­voir les uti­li­ser avec des bâti­ments cor­rec­te­ment pla­cés par rap­port au sens de ces dépres­sions. On ne peut pas alors ima­gi­ner construire des bâti­ments qui font 18 ou 24 m d’épaisseur. La ques­tion de l’arborescence ou de la trame aérau­lique se pour­suit à l’intérieur du bâti­ment, en géné­rant des pres­sions de vent dif­fé­ren­ciées par façade. Pour cela, il faut évi­dem­ment que l’architecture soit d’une épais­seur ou d’une finesse telle que ces dif­fé­rences de pres­sion per­mettent de géné­rer un cou­rant d’air à l’intérieur du bâtiment.

Pour y arri­ver, il faut donc pres­crire l’épaisseur du bâti­ment. Il faut pres­crire aus­si sa matière, pour qu’il y ait une forme de poro­si­té aérau­lique dans les façades. Au Maroc, on a déve­lop­pé la notion de la façade épaisse qui per­met de fabri­quer de l’ombre, avec l’idée qu’aucun vitrage ne devait rece­voir le soleil direc­te­ment en période chaude. La lumière est tou­jours reçue de manière dif­frac­tée et jamais de manière directe. Nous avons tra­vaillé sur une façade épaisse qui fabrique une épais­seur d’ombre autour des bâti­ments et qui per­met de géné­rer aus­si des cou­rants d’air. C’est aus­si le tra­vail qu’on a déve­lop­pé sur le pro­jet de l’Arbre blanc à Mont­pel­lier, avec les archi­tectes Sou Fuji­mo­to, Lais­né- Rous­sel et OXO. Les grandes ter­rasses en porte-à-faux viennent fabri­quer de l’ombre sur les façades et le cou­rant d’air géné­ré par la forme per­met de rafraî­chir la construction.

Nous avons ensuite tra­vaillé sur la poro­si­té de l’enveloppe avec des ouvrages qui sont dédiés à la ven­ti­la­tion. Par­fois, il n’est pas tou­jours pos­sible de ven­ti­ler un bâti­ment avec une fenêtre, parce qu’à la fois ça fait un cou­rant d’air trop impor­tant, qu’une fenêtre ouverte, c’est un risque d’intrusion, etc. Nous avons donc déve­lop­pé d’autres ouvrages, des méca­nismes de char­ge­ment et déchar­ge­ment ther­miques, fina­le­ment des dis­po­si­tifs ver­na­cu­laires revi­si­tés de manière contemporaine.

Cette démarche bio­cli­ma­tique impacte même l’organisation interne des bâti­ments. Par exemple, si l’on conçoit des loge­ments avec une zone jour, une zone nuit, on sait très bien que quand on ferme toutes les portes à l’intérieur vers la zone nuit, ce loge­ment n’est plus tra­ver­sant. Nous avons repris, pour l’Arbre blanc, l’idée de la petite grille de ven­ti­la­tion posi­tion­née à côté de la porte des cel­lules mona­cales du couvent de La Tou­rette de Le Corbusier.

Ce petit volet en bois doté d’une mous­ti­quaire per­met de créer le cou­rant d’air néces­saire au rafraî­chis­se­ment. En même temps, au couvent de La Tou­rette, l’ouverture de cette trappe per­met de signi­fier le besoin d’être seul ou l’accord pour s’intégrer à la com­mu­nau­té. Pour une chambre d’adolescent – tou­jours fer­mée – ce petit ouvrage per­met de conser­ver ce cou­rant d’air !

 

L’Arbre blanc, Montpellier

Tour de 17 étages (56 m), avec 109 loge­ments, un res­tau­rant, une gale­rie d’art (en RDC et R+1) et un bar en roof­top avec vue pano­ra­mique. Nico­las Lais­né (archi­tecte man­da­taire), Sou Fuji­mo­to Archi­tect, Dimi­tri Rous­sel, OXO Archi­tectes, André Ver­dier (BET struc­ture), VPEAS (éco­no­miste), Bas­si­net Tur­quin Pay­sage (pay­sa­giste) © Agence Franck Bout­té Consultants

 

À Mont­pel­lier, ter­ri­toire du nord de la Médi­ter­ra­née, vous avez éga­le­ment mené avec l’équipe de Fran­çois Leclercq un tra­vail sur le grand ter­ri­toire nom­mé Mont­pel­lier 360°, dans le cadre d’une stra­té­gie d’aménagement durable ?

Franck Boutté/ Les mani­fes­ta­tions du chan­ge­ment cli­ma­tique ne sont pas les mêmes d’un ter­ri­toire à l’autre, même si la ten­dance glo­bale est iden­tique. À Mont­pel­lier, nous avons mené un pro­jet assez beau du point de vue éco­lo­gique et envi­ron­ne­men­tal, qui pre­nait comme clé d’entrée les risques cli­ma­tiques aux­quels la métro­pole fait face. Nous avons essayé de com­prendre quelle était la nature de ces risques, d’où venaient ces risques et enfin quelles en étaient les causes. Le résul­tat a été sans appel : les causes, elles, sont prin­ci­pa­le­ment liées à des déci­sions humaines dom­ma­geables qui ont alté­ré des cycles éco­lo­giques natu­rels. Nous avons essayé d’investiguer ces cycles, la façon dont ils avaient été abî­més, cas­sés, rom­pus, décir­cu­la­ri­sés jus­te­ment par des inter­ven­tions humaines dom­ma­geables. Cela a per­mis d’appréhender les rôles et res­pon­sa­bi­li­tés des dif­fé­rentes enti­tés territoriales !

Par exemple, sur la ques­tion du ruis­sel­le­ment, l’ambition de dés­im­per­méa­bi­li­sa­tion concer­nait la ville-centre, mais aus­si les ter­ri­toires ruraux, avec des pra­tiques agri­coles exten­sives ren­dant par­fois la terre presque plus imper­méable qu’en milieu urbain construit. Nous avons pro­po­sé une manière de recons­truire col­lec­ti­ve­ment ces cycles en tra­vaillant sur la chaîne du cli­mat, le cycle de l’eau de la pluie à la mer, avec le phé­no­mène de foehn qui se joue avec les mas­sifs céve­nols. Nous avons redes­si­né ce cycle com­plet de l’eau et mon­tré com­ment il fonc­tion­nait, com­ment aujourd’hui il avait été alté­ré par des choix d’urbanisation anté­rieurs. Et construit une nou­velle feuille de route par­ta­gée par tous.

Par cette approche por­tée dans le cadre de la consti­tu­tion du SCoT métro­po­li­tain, on est sor­ti vrai­ment de l’opposition ville- centre et ville péri­phé­rique qui pré­va­lait jusqu’alors, jusqu’à obte­nir ain­si l’assentiment de toutes les com­munes. À Mont­pel­lier, l’échelle de la métro­pole était l’échelle per­ti­nente parce que s’y jouaient des cycles com­plets consti­tuant une arma­ture du pro­jet de territoire.

 

Face au chan­ge­ment cli­ma­tique rapide, les expé­ri­men­ta­tions de bio­cli­ma­tisme du Sud sont-elles en mesure de faire sys­tème, de mon­trer une voie nou­velle en termes d’aménagement ?

Franck Boutté/ Il impor­tant de se sou­ve­nir qu’un cli­mat, c’est avant tout une culture. Il n’y a pas une recette miracle, mais plu­tôt une démarche faite de grands prin­cipes à appli­quer à chaque ter­ri­toire. Cette approche sys­té­mique par­ti­cu­lière par le cli­mat est extrê­me­ment por­teuse puisqu’il y a autant de micro­cli­mats que de sites. Un micro­cli­mat est défi­ni par l’ensoleillement, le taux d’humidité, la vitesse de vent, notam­ment. En milieu urbain, il est donc influen­cé par la pré­sence ou l’absence de végé­ta­tion, la pré­sence ou l’absence de bâti­ment alen­tour créant de l’ombre, la pré­sence ou l’absence de points d’eau. C’est à cela qu’il faut s’attacher.

Nous nous sommes ain­si pen­chés sur la défi­ni­tion d’une métho­do­lo­gie qui consis­te­rait à com­men­cer la concep­tion d’un pro­jet bio­cli­ma­tique par une pre­mière étape de défi­ni­tion du micro­cli­mat local. Cette étape consiste à par­tir d’un macro­cli­mat régio­nal pour des­cendre petit à petit jusqu’à l’échelle urbaine, puis au site. Les phé­no­mènes d’îlot de cha­leur urbain, notam­ment, ou de canyon peuvent faire varier la tem­pé­ra­ture dans une même aire urbaine de plu­sieurs degrés. Les carac­té­ris­tiques du pro­gramme, le niveau de confort atten­du à un moment don­né, dans une culture don­née, viennent com­plé­ter les don­nées d’entrée de la conception.

L’autre grande évo­lu­tion éga­le­ment est que le bio­cli­ma­tisme urbain se pense dans des logiques de trames et de tra­cés qui vont de la macroé­chelle ter­ri­to­riale et urbaine jusqu’aux bâti­ments, dans une conti­nui­té et une arti­cu­la­tion des formes urbaines de dif­fé­rentes natures et à dif­fé­rentes échelles.

Il y a à apprendre du Sud et de l’intelligence cli­ma­tique de ses villes. Dans ces intel­li­gences du Sud, l’une d’elles me parle par­ti­cu­liè­re­ment, c’est celle des épais­seurs et des seuils. On trouve sou­vent, dans les villes de la Médi­ter­ra­née, une série d’épaisseurs, de lieux, d’entre-deux, de seuils qui vont régler ce rap­port de la lumière crue à la lumière vou­lue, de la tem­pé­ra­ture éle­vée à la tem­pé­ra­ture de confort. Ces épais­seurs vont en même temps régler beau­coup les rap­ports de l’intime au public. Cela me rap­pelle par­fois la pein­ture hol­lan­daise et les tableaux de Ver­meer. Je suis fas­ci­né par ce regard sur l’épaisseur et la ques­tion de l’usage qui se joue der­rière une fenêtre. Donc, c’est une épais­seur intime, une épais­seur d’usage, en fait, qui va se jouer là. C’est une vraie leçon du Sud, qui nous donne le fil de l’ombre.

Fina­le­ment, une des leçons du bio­cli­ma­tisme du Sud, c’est de croi­ser les notions de cli­mat, his­toire et culture pour refa­bri­quer des formes qui font sens avec les lieux et les vivants qui les occupent.

Embras­ser cette façon de conce­voir per­met­tra demain de por­ter des archi­tec­tures dif­fé­rentes qu’on a un peu gom­mées par une forme d’internationalisation des formes urbaines. Et puisqu’en 2050, à Saint-Ouen, nous aurons le cli­mat de Rabat, le mes­sage, c’est aus­si de retrou­ver le carac­tère contex­tuel : un contex­tuel urbain, un contex­tuel archi­tec­tu­ral et un contex­tuel humain. Il n’est plus ques­tion aujourd’hui de Lear­ning from Las Vegas, mais peut-être bien de Lear­ning from the South.

Tan­gi Saout

 

Pho­to : Franck Bout­té © Jean-Marie Heidinger

 

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