« Nous aurons le courage politique pour assumer et porter ce nouvel urbanisme »

Président de Toulouse Métropole et maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc n’est pas du genre à se laisser décourager par les nouveaux défis de l’aménagement du territoire, ni par les vicissitudes procédurales. À l’image de la parabole rugbystique, qui dit que « tout le monde joue, mais, à la fin, c’est Toulouse qui gagne ». Entretien avec un homme de vision et de caractère.

 

 

Le ter­ri­toire métropolitain tou­lou­sain a connu, au cours des dix dernières années, la plus forte crois­sance démographique au niveau natio­nal, qui s’est majo­ri­tai­re­ment ins­crite dans le développement des espaces périphériques et de l’habitat indi­vi­duel. Quels seront, selon vous, les impacts de la mise en œuvre du « zéro arti­fi­cia­li­sa­tion nette » sur le développement du ter­ri­toire ? Crai­gnez-vous qu’il réduise son attractivité ?

Le ZAN n’est qu’un défi supplémentaire. Nous avons l’habitude, depuis des années, d’évoluer dans un envi­ron­ne­ment de plus en plus com­plexe et contraint. Le ZAN est une contrainte fon­da­men­ta­le­ment ver­tueuse: arti­fi­cia­li­ser beau­coup moins, puis ten­ter de ne plus arti­fi­cia­li­ser du tout, c’est un objec­tif très légitime. Je regrette cepen­dant que les élus locaux, à qui il incombe de le mettre en œuvre, n’aient pas été concertés en amont, ou si peu, et que le ZAN soit tombé d’en haut, des mains d’une conven­tion citoyenne et d’un gouvernement.

His­to­ri­que­ment, c’est un fait, Tou­louse s’est développée depuis presque un siècle, par un étalement urbain très pro­gres­sif. Pour des rai­sons pure­ment géographiques : la ville est au milieu d’une plaine et l’expansion urbaine n’a pas ren­contré de limites phy­siques, ni de contraintes administratives.

Pour autant, quand on regarde le der­nier schéma direc­teur avant le schéma de cohérence ter­ri­to­riale (SCoT), qui était en vigueur, il y a plus d’un quart de siècle, on constate qu’il édictait déjà des prin­cipes de limi­ta­tion de l’étalement urbain. Le SCoT a ampli­fié ces dis­po­si­tions et les résultats sont là : sur les vingt plus grandes agglomérations françaises, Tou­louse, qui est la 5e en poids de popu­la­tion, n’est que 12e en ce qui concerne la consom­ma­tion foncière depuis l’an 2000.

Nous avons donc déjà res­treint nos possibilités d’extension sur une période durant laquelle nous avons bat­tu tous les records de crois­sance démographique et urbaine. Nous avons été l’agglomération française qui a créé le plus d’emplois : 150 000 en vingt ans. Cela a été le grand moteur de la crois­sance démographique, mais, comme nous avons accueilli une popu­la­tion jeune, nous avons constaté, plus récemment, un développement démographique dû, pour 60 %, au solde naturel.

Nous avons donc déjà démontré que nous étions capables d’accueillir un développement fort tout en consom­mant moins d’espaces natu­rels ou agri­coles. La loi [cli­mat et résilience, ndlr] d’août 2021 nous enjoint d’intensifier nos efforts en la matière ; ce que je crois lar­ge­ment pos­sible, mais à condi­tion qu’il y ait un effort de la part de tous les acteurs : les pro­mo­teurs et les archi­tectes doivent pro­duire un saut qua­li­ta­tif, de sorte à rendre les pro­duits immo­bi­liers et les formes archi­tec­tu­rales plus désirables. Il va fal­loir construire plus dense et plus haut, ce qui n’est pas – c’est un euphémisme – le sou­hait des habitants.

Sur ce sujet, nous insis­tons beau­coup pour qu’en contre­par­tie de la hau­teur, ils pro­posent des espaces libres beau­coup plus agréables, végétalisés. Ce sera un volet impor­tant de notre plan local d’urbanisme inter­com­mu­nal et habi­tat (PLUi‑H) en cours d’élaboration. Les citoyens vont également devoir faire un effort de par­ti­ci­pa­tion et d’acceptation de ces nou­velles pro­po­si­tions. Leur accom­pa­gne­ment sera fon­da­men­tal, ils vont devoir être plus ouverts à la nou­veauté et aux autres. Ceux qui ont la chance d’être logés vont devoir accueillir ceux qui ne le sont pas encore. Enfin, nous, les élus, pren­drons notre part en termes d’efforts: nous devons avoir le cou­rage poli­tique pour assu­mer et por­ter ces nou­velles formes urbaines, ce nou­vel urbanisme.

Quels sont les atouts de votre ter­ri­toire face à ce nou­veau paradigme ?

Nous avons du poten­tiel – et, en pre­mier lieu, notre super­fi­cie com­mu­nale tou­lou­saine, supérieure à celle de Paris de 500 ha –, mais sur lequel nous por­tons un pro­jet urbain à la fois volon­ta­riste et nuancé. Nous ne comp­tons pas uni­for­mi­ser la ville en met­tant en œuvre une « den­si­fi­ca­tion glo­bale ». Nous sou­hai­tons sélectionner de manière cohérente les sec­teurs où on va inten­si­fier la ville, tan­dis que d’autres sec­teurs seront conservés dans leurs caractéristiques ou destinés à des évolutions modérées. Ce qui nous guide, c’est l’identité et la cohérence des quar­tiers : lorsqu’un équilibre posi­tif est en place, il ne faut pas y por­ter atteinte. Mais, là où on trouve de la bana­lité et de l’incohérence urbaine, cela offre des possibilités de repen­ser l’aménagement avec une forme de volontarisme.

Sur ces sec­teurs, nous vou­lons des pro­jets d’ensemble, des plans d’urbanisme et pas du coup par coup. C’est notam­ment le cas autour de notre grand pro­jet d’infrastructure – la troisième ligne de métro – le plus impor­tant pro­jet de trans­port en com­mun de France, après le Grand Paris Express, sur une lon­gueur de 27 km. Sa livrai­son est prévue pour fin 2028 et nous avons natu­rel­le­ment développé une grande vision d’urbanisme pour définir com­ment «accro­cher» le développement urbain aux futures sta­tions. Nous por­tons également de grands pro­jets d’aménagement, ce qui est de plus en plus rare dans les métropoles. Le prin­ci­pal est Grand Mata­biau quais d’Oc, dont nous réalisons une première phase, qui est sans doute la plus impor­tante. En 2026, nous aurons aménagé l’avenue de Lyon, artère prin­ci­pale du quar­tier, et livré les pre­miers loge­ments du pro­jet qui en pro­dui­ra envi­ron 3 000, à terme.

Pro­pos recueillis par Julien Meyrignac

©P.Nin

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