Jean-Marc Offner, directeur général de l’a’urba

Jean-Marc Offner
Le directeur général de l’Agence d’urbanisme Bordeaux-Aquitaine, après une formation d’ingénieur-urbaniste et Sciences-Po et un long parcours dans la recherche urbaine, garde ses réflexes de chercheur et sa passion des revues.

 

Où êtes-vous né ?

Je ne fais pas par­tie des gens qui sont fiers d’être nés quelque part, cela cause trop de ravages sur la pla­nète, Georges Bras­sens l’a fort bien for­mu­lé. Je suis né à Paris, sur­tout j’ai vécu à Paris mes vingt pre­mières années et c’est extrê­me­ment mar­quant pour… un petit Pari­sien des années 1950 et 1960. J’ai habi­té dans une rue « chic », la rue du Bac dans le 7e arron­dis­se­ment, par le hasard des attri­bu­tions de loge­ments d’une socié­té coopé­ra­tive HLM fon­dée par des ensei­gnants après-guerre.

Mon père était prof de lettres, ma mère, de sciences phy­siques, et je me trou­vais entou­ré des ensei­gnants de l’immeuble. Y habi­tait, par exemple, Laurent Michard, du célèbre manuel de lit­té­ra­ture Lagarde et Michard ! Dans mes sou­ve­nirs d’enfance, il y en a un dont je parle volon­tiers parce que je trouve que c’est une façon très inté­res­sante d’appréhender la ville, les bus à pla­te­formes ouvertes. Et j’allais au col­lège du sec­teur, à Mon­taigne, près du Luxem­bourg, avec le 83. J’adorais être dans cette espèce de scène ouverte sur la ville.

Après Mon­taigne, j’arrive au lycée Louis-le-Grand, en seconde, à l’automne 1967. Donc je vis Mai 68 à Louis-le-Grand, au Quar­tier latin, à 14 ans. Avec tout ce qu’on peut ima­gi­ner d’assemblées géné­rales refon­dant l’enseignement et le monde, avec beau­coup de temps pas­sé à l’Odéon à écou­ter les intel­lec­tuels dis­cu­ter entre eux. J’étais, com­ment dire… un spec­ta­teur enga­gé plus qu’un acteur direct. J’ai d’ailleurs pris beau­coup de photos !

 

Et vous ren­con­trez l’urbanisme en la per­sonne du phi­lo­sophe Hen­ri Lefebvre.

Effec­ti­ve­ment, c’est plus qu’une anec­dote. C’était un petit peu avant Mai 68, Hen­ri Lefebvre vient faire une confé­rence à Louis-le-Grand, j’y vais. Il parle peu ou prou de la révo­lu­tion urbaine. Et c’est lui le pre­mier qui met des mots sur ma per­cep­tion impres­sion­niste que la condi­tion urbaine est quelque chose de spé­ci­fique, que la ville est un objet que l’on peut concep­tua­li­ser. Il est donc loi­sible d’expliquer pour­quoi on se sent bien ou pas bien dans une ville. Et il devient envi­sa­geable de par­ti­ci­per à la fabri­ca­tion de la ville.

 

Mais com­ment pas­sez-vous de la révo­lu­tion urbaine à l’urbanisme ?

Par un éton­nant, et long, par­cours. Le pro­vi­seur de Louis-le-Grand était un grand pro­mo­teur des bourses de la Fon­da­tion Zel­lid­ja : il fal­lait pro­po­ser un thème de voyage d’études et on rece­vait un petit pécule pour par­tir explo­rer le monde et écrire un rap­port. Nous sommes alors dans la grande période de l’aménagement du ter­ri­toire à la fran­çaise. L’État a déci­dé de faire s’arrêter en France les vacan­ciers du nord de l’Europe ten­tés par l’Espagne, en trans­for­mant le lit­to­ral Lan­gue­doc-Rous­sillon, plu­tôt déser­tique, rem­pli de mous­tiques, mais riche de belles plages sur une superbe côte méditerranéenne.

Je me sai­sis de cette actua­li­té pour pro­po­ser un sujet, que je vais inti­tu­ler : Le lit­to­ral Lan­gue­doc-Rous­sillon, nou­vel urba­nisme, nou­velle poli­tique des loi­sirs. Et ce titre reflète cette volon­té d’articuler une poli­tique publique et une manière d’organiser autre­ment l’espace, à tra­vers ces six ou sept nou­velles sta­tions tou­ris­tiques qui vont voir le jour pour la plu­part ex nihi­lo, sor­ties des sables, façon Le Bar­ca­rès ou La Grande-Motte. Mon pro­jet est accep­té et, ce qui paraît incroyable a pos­te­rio­ri, tout le monde répond à mes demandes d’entretien !

 

« L’été 1970 [sur la côte Lan­gue­doc-Rous­sillon], écri­ture d’un long rap­port illus­tré par mes propres pho­tos, des articles de presse, des cartes et des schémas… »

 

À 17 ans, je suis ain­si reçu par Pierre Racine, alors direc­teur de l’ENA et pré­sident de la mis­sion inter­mi­nis­té­rielle d’aménagement tou­ris­tique du lit­to­ral du Lan­gue­doc-Rous­sillon. Je ren­contre les ingé­nieurs de la DDE, les direc­teurs de socié­tés d’économie mixte, les archi­tectes, les élus locaux… Après ce voyage de plu­sieurs semaines à l’été 1970, sou­ve­nirs inou­bliables d’un par­cours à Solex et en auberges de jeu­nesse, je passe beau­coup de temps à l’écriture d’un long rap­port illus­tré par mes propres pho­tos, des articles de presse, des cartes et des schémas.

J’ai ain­si appré­hen­dé, dans cet espace-temps res­ser­ré, une cer­taine vision de l’urbanisme, à la fois dans sa dimen­sion mul­ti­dis­ci­pli­naire, les archi­tectes, les ingé­nieurs, les envi­ron­ne­men­ta­listes, déjà, les res­pon­sables poli­tiques, bien sûr, et dans une per­cep­tion qu’on appel­le­rait aujourd’hui mul­tis­ca­laire. Et à par­tir de ce moment-là, d’ailleurs, je marque dans mes fiches d’orientation que je veux deve­nir ingénieur-urbaniste !

 

Vous appar­te­nez à une géné­ra­tion très mar­quée par Mai 68, y com­pris à Louis-le-Grand, haut lieu de la contes­ta­tion, et vous faites un choix réformiste ?

J’avais un côté bon élève, un peu dis­tan­cié des enga­ge­ments poli­tiques radi­caux de l’époque. Il y a aus­si le fait qu’à la fin des années 1960 et au début des années 1970, la ques­tion urbaine devient un enjeu social et poli­tique. D’une cer­taine manière, ma trans­gres­sion était là… sans aller jusqu’à choi­sir une autre voie qu’une école d’ingénieurs !

C’était le temps de « chan­ger la ville pour chan­ger la vie ».

Par exemple, des études d’architecture, je n’y ai jamais pen­sé. Et Sciences-Po non plus, qui était pour­tant à quelques minutes de là où j’habitais. Mais j’avais bien vu et com­pris cette effer­ves­cence autour de l’urbanisme. J’avais repé­ré deux écoles : l’École des Ponts et Cen­trale Lille, qui avaient de vraies options urba­nisme, pas juste du génie civil un peu huma­ni­sé. Et à Cen­trale Lille, jus­te­ment après 68, il y a une conver­gence d’ambitions entre des élèves ingé­nieurs gau­chi­sants et les grandes têtes socia­listes de la région Nord-Pas-de-Calais, pour créer une option urba­nisme avec une forte com­po­sante de sciences sociales.
Et j’ai même eu droit à Michel Dele­barre comme prof de géo­gra­phie urbaine ! C’était le temps de « chan­ger la ville pour chan­ger la vie ».

 

Reve­nons sur cette effer­ves­cence de la fin des années 1960 et du début des années 1970.

C’est l’époque de la loi d’orientation fon­cière (LOF). Des agences d’urbanisme sont mises en place.
Tout un milieu pro­fes­sion­nel se déve­loppe, avec ceux qu’on appe­lait d’ailleurs les « contrac­tuels 68 » qui vont essai­mer au sein du minis­tère de l’Équipement. Des revues se créent, et en par­ti­cu­lier une qui va beau­coup comp­ter pour moi, la revue Metro­po­lis, dont le n° 1 sort en 1973. J’arrive à y faire le stage ouvrier de ma pre­mière année d’école d’ingénieurs. J’avais repé­ré quelques revues, comme Le Sau­vage, édi­té par Le Nou­vel Obser­va­teur, très influen­cé par les Amis de la Terre. Brice Lalonde y écri­vait… J’y ai fait un petit tour, mais je suis res­té beau­coup plus long­temps à Metro­po­lis.

 

Que repré­sen­tait Metro­po­lis par rap­port à la revue Urba­nisme, créée en 1932.

Metro­po­lis s’était créée contre Urba­nisme, qui à l’époque était une revue d’architectes tra­di­tion­nels, très proches du minis­tère de la Construc­tion, héri­tier du minis­tère de la Recons­truc­tion et de l’Urbanisme. Marc Eme­ry (1934–2014), ancien rédac­teur en chef d’Architecture d’aujourd’hui, avait créé Metro­po­lis – Fran­cis Cuillier (1944–2013) y jouait un rôle majeur – pour fédé­rer ce nou­veau milieu des urba­nistes, qui por­tait l’idée que l’urbanisme n’était pas de l’architecture en plus grand, que c’était de l’économie, de l’écologie, de la socio­lo­gie, des réseaux… et du plan­ning au sens amé­ri­cain du terme, c’est-à-dire de la pla­ni­fi­ca­tion mais aus­si de la concer­ta­tion, de la controverse…

Ce qu’exprimait la for­mule de l’advo­ca­cy plan­ning. Metro­po­lis va être très impor­tante pour ce milieu ; ain­si que pour moi. Après mon stage, je vais y écrire des dizaines de notes de lec­ture qui me per­met­tront de m’acculturer de façon très effi­cace à cet urba­nisme qui se déve­loppe après la LOF. Les numé­ros de Metro­po­lis vont explo­rer, avec un sens éton­nant de l’anticipation, des thèmes comme l’écologie urbaine, les enjeux ter­ri­to­riaux des télé­com­mu­ni­ca­tions, la car­to­gra­phie satel­li­taire, la mobi­li­té, dans la conti­nui­té de ce que j’avais pres­sen­ti sur mon lit­to­ral Languedoc-Roussillon.

 

Après Cen­trale Lille, vous reve­nez à Paris…

J’étais deve­nu ingé­nieur-urba­niste, mais je n’avais pas trop envie d’être un « vrai » ingé­nieur. Il fal­lait que je pour­suive mon ouver­ture aux sciences sociales.
Sciences-Po, à l’époque, se fai­sait en trois ans, mais avec un diplôme d’ingénieur, on ren­trait en deuxième année. Et, en deux ans, on fai­sait qua­si­ment l’équivalent d’une licence de socio­lo­gie, de sciences poli­tiques et d’économie… Ce seront deux années de grand bon­heur intellectuel.

Deux profs m’ont mar­qué : Pierre Birn­baum, qui assu­rait un cours éblouis­sant sur le pou­voir local. Et puis Jean-Pierre Por­te­fait, l’un des créa­teurs du Béru, bureau d’études pion­nier qui a beau­coup ali­men­té la réflexion du minis­tère de l’Équipement sur la LOF, qui a ins­pi­ré le rap­port Mayoux de 1979 sur l’habitat péri­ur­bain. En même temps que Sciences-Po, j’ai fait un DEA en sciences de l’information, avec un mémoire sur le voca­bu­laire de l’urbanisme – qui m’avait valu une lettre de Pierre Bour­dieu – avant de com­men­cer à cher­cher du travail.

Mon idéal était de deve­nir char­gé d’études à l’Apur. En plus, j’avais repé­ré qu’ils avaient la plus belle vue de Paris, bou­le­vard Mor­land ! Je m’y voyais bien. Je m’étais abon­né à des tas de revues, dont celle de l’Apur, Paris Pro­jet, que je lisais avec pas­sion. Et puis, fin 1977, reve­nu d’un voyage mou­ve­men­té dans les ksours du M’zab, au Saha­ra algé­rien, haut lieu de pèle­ri­nage de nom­breux archi­tectes, je tombe sur une petite annonce dans Le Monde : « Ins­ti­tut de recherche des trans­ports (IRT) cherche ingé­nieur inté­res­sé par les sciences sociales ». J’y réponds et suis embau­ché. L’IRT, à l’époque, était un orga­nisme sous tutelle du minis­tère de l’Équipement, basé à Arcueil.

 

C’est à l’IRT que vous deve­nez un chercheur ?

J’arrive à la divi­sion Trans­ports urbains et, d’une cer­taine manière, oui, j’y apprends mon métier de cher­cheur dans un envi­ron­ne­ment à la fois bien­veillant et com­pé­tent, avec en par­ti­cu­lier deux cher­cheurs : Jean-Pierre Orfeuil, qui est deve­nu un grand ami et un com­pa­gnon de route fidèle en affaires de mobi­li­té urbaine, et Alain Tar­rius, avec lequel j’ai beau­coup pra­ti­qué les méthodes socio­lo­giques. Il est connu aujourd’hui pour ses tra­vaux pion­niers sur les migrants, « les four­mis d’Europe », sur la mon­dia­li­sa­tion par le bas…

J’y ai aus­si com­pris l’évidence de l’importance de la mobi­li­té dans les ques­tions urbaines et ter­ri­to­riales. Et j’étais connec­té au milieu intel­lec­tuel du pro­gramme « Crise de l’urbain, futur de la ville » de la RATP. Avec des sémi­naires inou­bliables à Ceri­sy, où tout le gra­tin des sciences sociales inté­res­sé par l’urbain, géo­graphes, his­to­riens, socio­logues, se retrou­vait sous la férule d’Édith Heurgon.

 

Vous deve­nez un spé­cia­liste des trans­ports urbains. Vous écri­vez même un livre avec Chris­tian Lefèvre. Com­ment reve­nez-vous à l’urbanisme ?

À la fin des années 1980, Gabriel Dupuy, pro­fes­seur à l’Institut d’urbanisme de Paris (IUP) basé à Cré­teil, me repère et me pro­pose de faire un cours que j’intitule pom­peu­se­ment « Théo­rie et pra­tique de l’interaction transport/urbanisme ». Au même moment, toute une effer­ves­cence par­court le CNRS autour des ques­tions urbaines, avec ce qui devien­dra la sec­tion « Espaces, ter­ri­toires, société ».

Et en 1992, c’est au CNU (Conseil natio­nal des uni­ver­si­tés) que se crée une nou­velle sec­tion « Amé­na­ge­ment de l’espace et urba­nisme », qui va éman­ci­per l’urbanisme des dis­ci­plines tra­di­tion­nelles comme la géo­gra­phie ou la socio­lo­gie. Il devient pos­sible de faire des thèses en urba­nisme et d’être un cher­cheur CNRS dans ce domaine, décla­ré offi­ciel­le­ment interdisciplinaire.

C’est dans ce contexte que se crée, en 1985, le Labo­ra­toire tech­niques, ter­ri­toires et socié­tés (Latts). Son créa­teur et pre­mier direc­teur est Pierre Veltz, alors res­pon­sable de la recherche à l’École des Ponts avec, à ses côtés, Gabriel Dupuy, sur les aspects urba­nisme et réseaux, et Hen­ri Coing, socio­logue connu pour ses tra­vaux sur la réno­va­tion urbaine du 13e arron­dis­se­ment à Paris.

Gabriel Dupuy me pro­pose de rejoindre le Latts, qui était un labo­ra­toire très sti­mu­lant avec des gens éton­nants, en par­ti­cu­lier ceux que j’appelle les ingé­nieurs défro­qués, dont Pierre Veltz, mais aus­si Antoine Picon, ingé­nieur des Ponts, his­to­rien, des ingé­nieurs des tra­vaux publics de l’État qui se trans­for­maient en poli­tistes ou en socio­logues, et puis les uni­ver­si­taires et les cher­cheurs CNRS, dont Michel Marié qui va m’ouvrir les portes de la revue Espaces et socié­tés.

 

On retrouve le monde des revues que vous n’avez jamais lâché.

Oui, j’arrive au comi­té de rédac­tion d’Espaces et socié­tés, à un moment où la revue essaye de se renou­ve­ler, Ray­mond Ledrut (1919–1987), pion­nier de la socio­lo­gie urbaine (à Tou­louse) va pas­ser la main à Jean Remy, socio­logue belge. C’est là où j’ai actua­li­sé mes connais­sances, dans des comi­tés de rédac­tion où s’empoignait une bonne par­tie de la socio­lo­gie urbaine fran­co­phone. C’est là où je fais la connais­sance d’Alain Bour­din, qui me mobi­li­se­ra plus tard dans l’aventure POPSU ; de Michel Bas­sand, autre pion­nier des ques­tions métro­po­li­taines, avec lequel je coor­don­ne­rai un numé­ro sur les mobi­li­tés. Je conti­nue­rai ensuite à col­la­bo­rer avec lui et avec Vincent Kauf­mann, tous deux ensei­gnants à l’École poly­tech­nique fédé­rale de Lau­sanne (EPFL).

 

Com­ment faites-vous la connais­sance de Fran­çois Ascher ?

Dès les années 1980, mais sur­tout quand je deviens en 1996 direc­teur du dépar­te­ment Amé­na­ge­ment, trans­port, envi­ron­ne­ment de l’École des Ponts et qu’il est direc­teur de l’Institut fran­çais d’urbanisme. Ces orga­nismes sont regrou­pés à Marne-la-Val­lée, à la Cité Des­cartes. C’est à ce moment-là que nous créons ensemble des DEA, dont l’un s’intitule « Muta­tions urbaines et gou­ver­nance territoriale ».
Avec Fran­çois, on pas­sait beau­coup de temps à faire de l’ingénierie péda­go­gique. J’avais cette fonc­tion aux Ponts de chef de dépar­te­ment. J’étais ain­si ame­né à recru­ter les ensei­gnants. C’est comme ça que j’échange avec Chris­tian Devil­lers, avec David Mangin.

 

Sur quels thèmes avez-vous tra­vaillé au Latts ?

Je vais avoir une acti­vi­té stan­dard de cher­cheur avec un paquet transport/mobilité que je ne renie pas, un deuxième sur la gou­ver­nance urbaine et un troi­sième sur les réseaux (à la fois les macro­sys­tèmes tech­niques, la notion de réseau, la déré­gu­la­tion des ser­vices universels…).

Alors, ma deuxième coquet­te­rie intel­lec­tuelle – après mon titre de lau­réat de Sciences-Po –, c’est d’être pro­ba­ble­ment le seul cher­cheur fran­çais à avoir écrit dans les deux revues de réfé­rence de dis­ci­plines assez auto­nomes : dans L’Espace géo­gra­phique, où j’ai publié mon article désor­mais bien connu sur « Les effets struc­tu­rants du trans­port : mythe poli­tique, mys­ti­fi­ca­tion scien­ti­fique » et puis dans La Revue fran­çaise de science poli­tique, un papier sur les ter­ri­toires de l’action publique locale.

 

Vous évo­quez deux revues aca­dé­miques. Où en étiez-vous de vos rela­tions avec Metro­po­lis ?

J’ai conti­nué assez long­temps mon com­pa­gnon­nage avec Metro­po­lis, jusqu’à m’occuper des der­niers numé­ros, en 2002, après plus d’une cen­taine de numé­ros. Il s’agissait de valo­ri­ser les tra­vaux du pro­gramme de recherche sur les trans­ports Pre­dit. D’ailleurs, cela reste une de mes obses­sions que de valo­ri­ser la recherche urbaine, de déve­lop­per des cir­cuits courts entre démarche scien­ti­fique et action publique.

 

Com­ment êtes-vous arri­vé au comi­té de rédac­tion d’Urba­nisme en 1995 ?

Par l’intermédiaire de Ber­nard Écre­ment, qui était le gérant de la revue, nom­mé par la Caisse des Dépôts. Je le connais­sais de Metro­po­lis, où il avait fait par­tie du noyau dur des pre­mières années, venant de ce même milieu d’urbanistes, puisque Ber­nard a été le pre­mier direc­teur de la pre­mière agence d’urbanisme à Rouen. Donc j’arrive avec lui à Urba­nisme, où je fais la connais­sance de Thier­ry Paquot, que Ber­nard Écre­ment a choi­si comme édi­teur-rédac­teur en chef.

 

Est-ce qu’on peut dire qu’Urba­nisme prend alors le relais de Metro­po­lis, d’une cer­taine façon ?

Oui, on peut le for­mu­ler ain­si. Mais Metro­po­lis était une revue sur­tout à des­ti­na­tion des tech­ni­ciens, des pro­fes­sion­nels, même si elle pou­vait être lue par d’autres, en par­ti­cu­lier par les élus. Le côté culture urbaine que Thier­ry Paquot a appor­té à Urba­nisme n’a jamais été pré­sent en tant que tel dans Metro­po­lis. En revanche, l’idée d’un monde de l’urbanisme dépas­sant celui de l’architecture, le côté très inter­na­tio­nal, la place dévo­lue aux sciences sociales, la par­ti­ci­pa­tion de cher­cheurs, ces ingré­dients per­mettent bien une sorte de pas­sage de relais de Metro­po­lis à Urbanisme.

 

Quelle place a pris alors Urba­nisme dans votre pay­sage pro­fes­sion­nel et intellectuel ?

Avec Thier­ry Paquot, puis avec son suc­ces­seur, Antoine Lou­bière, la revue Urba­nisme devient pour moi un vec­teur impor­tant d’écriture. J’ai accé­lé­ré mon rythme de pro­duc­tion d’articles dans la revue, puisque ça cor­res­pond bien à la fois au for­mat et au public, pour faire pas­ser quelques idées sur les ques­tions de mobi­li­té, de pla­ni­fi­ca­tion, de métro­po­li­sa­tion, de dis­po­si­tifs d’actions publiques, etc. Et j’y fais de belles ren­contres, avec Ariel­la Mas­boun­gi, avec Oli­vier Mongin.

 

Est-ce que le fait de par­ti­ci­per à Metro­po­lis et à Urba­nisme a contri­bué à vous pré­pa­rer à prendre la direc­tion d’une agence d’urbanisme ?

En par­tie. J’avais aban­don­né mon rêve ado­les­cent d’être char­gé d’études à l’Apur au pro­fit du monde de la recherche, mais sans aca­dé­misme exa­gé­ré et en contact avec l’action publique. Les ques­tions urbaines et le monde de l’urbanisme conti­nuaient à m’intéresser et c’est vrai que Metro­po­lis et Urba­nisme m’ancraient là-dedans. L’enseignement à l’École des Ponts aus­si, avec les profs autour et, à la fin de ma période au Latts, ma par­ti­ci­pa­tion à la consul­ta­tion inter­na­tio­nale du Grand Paris, ini­tiée par Sar­ko­zy. J’interviens dans cette grande aven­ture, aus­si éton­nante que pas­sion­nante, via l’équipe Des­cartes, avec Yves Lion, David Man­gin et Fran­çois Leclercq.

 

Il y a aus­si l’Institut de la ville en mou­ve­ment créé par Fran­çois Ascher, avec Mireille Apel-Mul­ler, venue du concours Europan.

Il faut saluer à juste titre l’inventivité de ce dis­po­si­tif, une sorte de bri­co­lage brillant pour com­bi­ner les démarches : science, art, culture, expé­ri­men­ta­tion… Je cite sou­vent le Fes­ti­val inter­na­tio­nal des taxis à Lis­bonne, en 2007. Déjà, l’idée que les taxis étaient un vrai sujet et qu’on pou­vait en faire un thème de col­loque aca­dé­mique mais aus­si une fête popu­laire, avec le taxi le mieux déco­ré de Lis­bonne, un concours de courts-métrages… C’était à la fois joyeux – Fran­çois disait sou­vent qu’il fal­lait s’amuser – et sub­til en termes de pro­duc­tion de connais­sances mul­tiples. Avec l’IVM, en com­pa­gnie de Ber­nard Rei­chen et Alfred Peter, j’ai aus­si par­cou­ru la Chine de long en large, pour des exper­tises un peu déca­lées dans plu­sieurs grandes villes, en par­ti­cu­lier à Chong­qing, plus grande com­mune du monde, près du bar­rage des Trois-Gorges.

 

Quelle est votre concep­tion du rôle de l’architecture et des architectes ?

Fon­da­men­ta­le­ment, je crois qu’il faut faire en sorte que les acteurs de la ville, ceux qui inter­viennent sur les ter­ri­toires, arrivent à inté­grer le fait qu’ils s’occupent d’objets très spé­ci­fiques, tout sim­ple­ment parce qu’ils pos­sèdent une dimen­sion spa­tiale, et que cette spa­tia­li­té devrait être struc­tu­rante de la manière de pen­ser l’action publique locale. Des dis­tances, des échelles, des péri­mètres… Et, symé­tri­que­ment, il faut faire com­prendre aux spa­tia­listes, aux concep­teurs, que leurs objets à eux s’inscrivent dans des pro­ces­sus de déci­sion ayant à voir avec la chose publique, avec des inté­rêts col­lec­tifs, avec des sys­tèmes d’acteurs. Je trouve que c’est un vrai sujet compliqué.

Et c’est ce qui m’intéresse dans l’École urbaine de Sciences-Po, créée il y a main­te­nant cinq ans avec Patrick Le Galès, parce qu’il est impor­tant de for­mer de futurs pro­fes­sion­nels qui arrivent à arti­cu­ler cette double dimen­sion. D’où le titre de mon ensei­gne­ment : « Action publique et rai­sons spa­tiales, la déci­sion à l’épreuve du ter­ri­toire ». D’où aus­si ma défi­ni­tion de l’urbanisme comme ajus­te­ment, régu­la­tion des dis­tances, ce qui auto­rise à diver­si­fier for­te­ment la boîte à outils de l’urbaniste.

 

Vue aérienne en 2017 du sec­teur des bas­sins à flot et du han­gar G2 (au fond et à droite) où siège l’agence © a’urba

 

Et com­ment deve­nez-vous direc­teur de l’a’urba, l’Agence d’urbanisme Bor­deaux Aquitaine ?

Par l’intermédiaire de la deuxième petite annonce à laquelle j’ai répon­du dans ma vie, tou­jours dans Le Monde, « agence d’urbanisme recherche son direc­teur géné­ral ». Il s’agissait de l’a’urba, Fran­cis Cuillier par­tait à la retraite. La pro­cé­dure de sélec­tion sera longue, avec un dis­po­si­tif très ouvert, j’insiste là-des­sus parce qu’il me semble que c’est contre­dire l’esprit des agences d’urbanisme que d’avoir des recru­te­ments trop fermés.

Ce sont des orga­ni­sa­tions sub­tiles et agiles, mais leur inven­ti­vi­té et leur effi­ca­ci­té sont à l’aune de leur fra­gi­li­té. Et si le direc­teur n’est pas assu­ré de sa légi­ti­mi­té, intel­lec­tuel­le­ment et poli­ti­que­ment, sa mis­sion devient impos­sible. Pour por­ter les par­te­na­riats mul­tiples, pour défendre des sujets orphe­lins, pour dia­lo­guer direc­te­ment avec les élus, pour oser l’impertinence.

 

Et vous cochiez toutes les cases, côté légi­ti­mi­té et compétences.

En tout cas en com­pé­tences type agence. Et à la sur­prise géné­rale et à ma propre sur­prise, in fine, deux can­di­dats res­tent en lice : un direc­teur d’agence, archi­tecte, qui a fait sa car­rière dans les agences d’urbanisme, et puis moi, qui appa­rais comme l’outsider.
Alain Jup­pé, alors maire de Bor­deaux, et Vincent Fel­tesse, pré­sident (socia­liste) de la Com­mu­nau­té urbaine et pré­sident de l’agence d’urbanisme, ont la bonne idée d’être d’accord pour me choi­sir, parce qu’ils vou­laient don­ner un nou­veau souffle à l’agence. Fran­cis Cuillier avait très brillam­ment déve­lop­pé l’agence d’urbanisme : il arrive en 1995 recru­té par Jacques Cha­ban-Del­mas. Dès son élec­tion, Alain Jup­pé le mobi­lise pour son pro­jet urbain. Fran­cis fait gran­dir l’agence, la re-légi­time très for­te­ment, par­achève ce par­cours avec le Grand Prix de l’urbanisme.

C’était une époque où les ser­vices de la Com­mu­nau­té urbaine étaient rela­ti­ve­ment peu déve­lop­pés, où Jup­pé avait besoin d’une exper­tise pour accom­pa­gner son pro­jet. Puis à Bor­deaux comme ailleurs ensuite, les ser­vices des col­lec­ti­vi­tés se sont ren­for­cés. Il fal­lait trou­ver une autre manière, sur­tout pour les agences les plus anciennes, d’insuffler un second ou un troi­sième élan. Être dans la stra­té­gie, dans la pros­pec­tive, dans l’innovation, sans ces­ser de pro­duire de l’information ter­ri­to­riale, de jouer les média­teurs, d’étendre les champs d’intervention et de faire le job des PLU et des SCoT.

 

Mais c’était un pari pour vous aus­si à la fois de mana­ger une équipe d’agence et de s’installer à Bor­deaux, où vous n’aviez jamais vécu.

Oui, c’était un pari. J’avais beau­coup ven­du l’idée que lorsqu’on a diri­gé un labo­ra­toire avec des tutelles mul­tiples, avec des cher­cheurs com­pli­qués, indi­vi­dua­listes, on pou­vait tout diri­ger en termes de mana­ge­ment. Quant à Bor­deaux, j’y suis arri­vé sur le tard de ma vie citadine.

J’ai sur la ville de Mon­taigne et de Montesquieu
un regard de pro­fes­sion­nel plus que d’habitant

Le charme de la ville de pierre est pre­nant, le centre ancien et ses nom­breux quar­tiers-paroisses, les quais, la Garonne et sa courbe (d’où la déno­mi­na­tion « port de la lune ») qui offre à cette petite grande ville qu’est Bor­deaux un immense pay­sage. Une ville en soi monu­men­tale, au sens où la ville elle-même est un monu­ment, avec cette façade décor des quais sur le fleuve et l’omniprésence de la pierre. Et comme la ville est basse, le ciel est tou­jours visible, c’est une qua­li­té urbaine rare dans nos cités euro­péennes, même si au quo­ti­dien on n’y fait pas expli­ci­te­ment attention.

J’ai sur la ville de Mon­taigne et de Mon­tes­quieu un regard de pro­fes­sion­nel plus que d’habitant. Et ce regard relève qu’en vingt ans, Bor­deaux est pas­sée d’une ville grise et peu ani­mée, en tout cas dans sa vie urbaine, tour­nant le dos au fleuve, à une ville blanche ou blonde – la pierre de Bor­deaux est blonde – grâce au rava­le­ment des façades, à une ville très ani­mée où l’espace public a été recon­quis sur la voi­ture ; même s’il reste encore du tra­vail en la matière. Bor­deaux était his­to­ri­que­ment une ville étu­diante, mais la crois­sance des effec­tifs dans l’enseignement supé­rieur en fait une ville jeune. Il n’y a rien de mieux qu’un étu­diant pour boos­ter l’animation urbaine. Ensuite vien­dront le clas­se­ment Unes­co, les touristes.

L’ouverture sur la Garonne avec les quais réamé­na­gés par Michel Cora­joud est magni­fi­que­ment réus­sie. Moins pho­to­gra­phié mais de plus en plus appré­cié, le Parc aux Angé­liques conçu par Michel Des­vigne encou­rage le déve­lop­pe­ment de la rive droite. Certes, ces amé­na­ge­ments se font plus tard que dans d’autres villes fran­çaises ou étran­gères. Mais le retard a per­mis une rup­ture beau­coup plus franche. Parce que l’astuce de Jup­pé est d’accepter un bazar mons­trueux durant quelques années pour créer un vrai choc de trans­for­ma­tion en fai­sant en même temps trois lignes de tram­way – dont l’une des­sert la rive droite des com­munes popu­laires, c’est très impor­tant dans la géo­po­li­tique locale –, les quais et la recon­quête du centre ancien. Reste la pluie fina­le­ment, même si quelques Pari­siens peuvent croire qu’il ne pleut pas à Bor­deaux et qu’on est au bord de la mer !

 

L’ère Jup­pé s’est ter­mi­née de fait aux der­nières élec­tions muni­ci­pales. Et main­te­nant que faut-il faire à Bordeaux ?

C’est effec­ti­ve­ment une ques­tion pour la nou­velle muni­ci­pa­li­té, et pour l’équipe métro­po­li­taine. Le sujet qui pour ma part m’intéresse est celui des marges de manœuvre de l’action publique. On voit ces grands pro­jets à Bor­deaux comme à Tou­louse, à Stras­bourg, à Nantes, qui ne sont pas ache­vés mais bien lan­cés. Eur­at­lan­tique (grande opé­ra­tion d’intérêt natio­nal liée à l’arrivée de la LGV) se ter­mi­ne­ra… les opé­ra­tions de la rive droite aus­si, peut-être avec quelques évolutions.

Mais il fau­dra pas­ser à autre chose. Et je pense qu’on a besoin d’une réflexion pros­pec­tive qui accepte que l’on ne maî­trise pas tout, que le pou­voir local n’est pas tout-puis­sant, parce que sou­vent les choses se passent ou s’expliquent ailleurs : les taux d’intérêt pour l’immobilier, les stra­té­gies de l’industrie auto­mo­bile, les cri­tères des choix rési­den­tiels, les poli­tiques européennes…

C’est en com­pre­nant mieux les méca­nismes de trans­for­ma­tion que l’on se pro­cure des espaces de liber­té pour l’inventivité locale. Pour le coup, les agences d’urbanisme ont le rôle de mettre en avant ces marges de manœuvre, par exemple autour de l’idée, pas fran­che­ment dans l’air du temps, de métro­po­li­sa­tion heu­reuse, hos­pi­ta­lière, en com­plé­men­ta­ri­té avec les cam­pagnes urbaines. C’est la pers­pec­tive déve­lop­pée par le pro­gramme de recherche POPSU, de coopé­ra­tions inter­ter­ri­to­riales per­met­tant d’élaborer les néces­saires tran­si­tions à la carte par des tra­jec­toires métro­po­li­taines diversifiées.

Une ques­tion impor­tante qui se pose pour les métro­poles, peut-être plus pour les anciennes com­mu­nau­tés urbaines du reste, est de faire de la stra­té­gie. La Com­mu­nau­té urbaine de Bor­deaux a pas­sé vingt ans à s’occuper, sur­tout, des réseaux d’assainissement et des bas­sins de réten­tion pour évi­ter les inon­da­tions, puis vingt ans à faire des lignes de tram­way. Ce qui est très bien dans cette fameuse culture tech­nique de l’intercommunalité de tuyaux, mais ne débouche pas natu­rel­le­ment sur des stra­té­gies métro­po­li­taines aptes à affron­ter les enjeux contem­po­rains, éco­lo­giques, démo­gra­phiques, éco­no­miques, numériques.
Les Cahiers de la métro­pole bor­de­laise, que j’ai créés peu après mon arri­vée à l’agence, par­ti­cipent de cette néces­saire acculturation.

J’explique par­fois qu’un des bou­lots de l’agence d’urbanisme, c’est d’aider Bor­deaux, la métro­pole et la Gironde à pen­ser leurs muta­tions, for­cé­ment liées, à savoir faire avec leur attrac­ti­vi­té res­pec­tive. C’est d’ailleurs pour ça que le dia­logue métropole/département me semble tout à fait impor­tant, même s’il n’est ins­ti­tu­tion­nel­le­ment pas dans les habi­tudes locales.

 

Métro­pole et den­si­té ne sont pas vrai­ment dans l’air du temps.

On entend une petite musique mal­thu­sienne, elle a plu­sieurs expli­ca­tions. D’abord l’augmentation de la popu­la­tion habi­tante, qui casse en cer­tains lieux un pacte impli­cite entre le résident et le maire autour des den­si­tés accep­tables : je suis venu pour ma mai­son et mon jar­din, vous n’allez pas me construire un vis-à-vis d’immeubles col­lec­tifs. Mais il y a une autre expli­ca­tion, la per­cep­tion de satu­ra­tion de l’espace public, due à une pré­sence crois­sante des « pas­sants » que sont les étu­diants et les touristes.

Du point de vue de l’urbanisme opé­ra­tion­nel, des modes d’intervention sont à inven­ter, qui ne repro­duisent pas le dis­po­si­tif du grand pro­jet, mais qui ne pri­vi­lé­gient pas non plus la rou­tine de l’urbanisation dif­fuse, plus ou moins fine­ment enca­drée par les docu­ments d’urbanisme.

Des petits pro­jets bien pen­sés ; en fai­sant de l’urbanisme et pas de l’immobilier, c’est-à-dire en pen­sant aux espaces publics, à la voi­rie, à la nature en ville, aux ser­vices ; en arti­cu­lant le court terme au long terme, par une pla­ni­fi­ca­tion stra­té­gique repen­sée dans ses méthodes… Et une pla­ni­fi­ca­tion qui sache, avec l’aide des trames pay­sa­gères et des réseaux de dépla­ce­ment, pen­ser et des­si­ner les grands territoires.

 

Alors, les villes préférées…

Je pour­rais citer Bor­deaux ! Mais je l’ai dit, j’ai un regard trop pro­fes­sion­nel sur « la belle endor­mie » réveillée. Ni l’œil du tou­riste émer­veillé, ni la vision de l’habitant chau­vin. Alors, j’aime des villes dans les­quelles j’ai beau­coup été. Il faut des appren­tis­sages, y séjour­ner plu­sieurs fois. En l’occurrence, j’ai été à plu­sieurs reprises en Chine et j’aime beau­coup Shan­ghai. Il y a deux très grandes villes qui me font vibrer, c’est Shan­ghai et Istan­bul, toutes les deux sur des sites géo­gra­phiques stu­pé­fiants, avec les grands pay­sages de l’eau, Istan­bul avec en plus le relief que Shan­ghai n’a pas ; et cha­cune à sa manière son cosmopolitisme.

La sky­line de Shan­ghai. Pho­to : J.-M. Offner

 

À Shan­ghai, ce qui est extrê­me­ment inté­res­sant, c’est d’abord la mul­ti­pli­ci­té des tis­sus et des ambiances urbaines, on fait cinq cents mètres ou quelques dizaines de minutes en métro, et l’on passe des gratte-ciel de Pudong (la Jin Mao Tower reste mon pré­fé­ré) aux quar­tiers de la Conces­sion fran­çaise avec ses pla­tanes, et aux der­niers vieux quar­tiers ou au ghet­to juif. C’est épous­tou­flant de diver­si­té. L’urbain pur et dur : alté­ri­té et inten­si­té d’usage de l’espace public.

Quand je parle sur les villes,
je parle tou­jours un peu de Venise

Et il y a une faci­li­té de vie quo­ti­dienne très pen­sée, on peut rechar­ger son télé­phone por­table par­tout, il y a des toi­lettes gra­tuites et propres dans toutes les sta­tions de métro, la signa­lé­tique per­met de se repé­rer faci­le­ment ! Je par­le­rais volon­tiers d’ergonomie du quo­ti­dien, qui fait com­prendre que l’« huma­ni­té » d’une ville n’est pas affaire de taille.

Je n’oublie pas Paris, bien sûr. Et puis j’aime toutes les villes ita­liennes, et sin­gu­liè­re­ment Venise, for­cé­ment. Comme Ita­lo Cal­vi­no l’écrit dans Les Villes invi­sibles : « Quand je parle sur les villes, je parle tou­jours un peu de Venise. »

 

Antoine Lou­bière, rédac­teur en chef

 

Pho­to : Jean-Marc Off­ner © Mar­cel­la Bar­bie­ri 

 

Abonnez-vous à la revue urbanisme en version numérique

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


À pro­pos

Depuis 1932, Urba­nisme est le creu­set d’une réflexion per­ma­nente et de dis­cus­sions fécondes sur les enjeux sociaux, cultu­rels, ter­ri­to­riaux de la pro­duc­tion urbaine. La revue a tra­ver­sé les époques en réaf­fir­mant constam­ment l’originalité de sa ligne édi­to­riale et la qua­li­té de ses conte­nus, par le dia­logue entre cher­cheurs, opé­ra­teurs et déci­deurs, avec des regards pluriels.


CONTACT

01 45 45 45 00


News­let­ter

Infor­ma­tions légales
Pour rece­voir nos news­let­ters. Confor­mé­ment à l’ar­ticle 27 de la loi du 6 jan­vier 1978 et du règle­ment (UE) 2016/679 du Par­le­ment euro­péen et du Conseil du 27 avril 2016, vous dis­po­sez d’un droit d’ac­cès, de rec­ti­fi­ca­tions et d’op­po­si­tion, en nous contac­tant. Pour toutes infor­ma­tions, vous pou­vez accé­der à la poli­tique de pro­tec­tion des don­nées.


Menus