François Leclercq : « Le logement représente la majorité de la construction d’une ville »

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L’architecte-urbaniste François Leclercq est le coauteur, avec Laurent Girometti, directeur général de l’EpaMarne, du rapport de la mission sur la qualité du logement, Référentiel du logement de qualité (2021). Résultat d’une concertation avec les acteurs du secteur, certains de ses critères seront utilisés pour le paramétrage de l’avantage fiscal Pinel, à compter de 2023.

 

Quelques mots sur le rap­port : quand et com­ment avez-vous été saisis ? 

Les différents épisodes de confi­ne­ment ont remis l’habitat, le logis, au centre de l’attention et ont per­mis de révéler une cer­taine forme de fra­gi­lité du loge­ment, en général, et du loge­ment col­lec­tif, en par­ti­cu­lier. À cette occa­sion, différentes études et rap­ports (Baromètre Qua­li­tel, rap­port Insee, Ined, Idheal) ont recueilli le désamour gran­dis­sant des urbains vis‑à- vis de leur loge­ment. C’était l’occasion pour nous d’exprimer à tra­vers différentes tri­bunes et inter­views, une préoccupation présente de longue date chez les archi­tectes : la baisse de la qua­lité du logement.

Le ministère du Loge­ment nous a pro­posé – à Laurent Giro­met­ti et moi-même – d’établir ce qu’il nous semble devoir être le niveau de qua­lité mini­mum d’un loge­ment, sans déplacer le problème, comme c’est sou­vent le cas, sur l’immeuble, les aménités adja- centes, la rue, le quar­tier… Je suis, bien sûr, en tant qu’urbaniste, très concerné par ces ques­tions, mais il est temps de s’occuper réellement du seul loge­ment. En ne le fai­sant pas, on génère une méfiance généralisée à l’égard des construc­tions actuelles et on encou­rage un cer­tain mal­thu­sia­nisme en la matière.

Le loge­ment représente la majo­rité de la construc­tion d’une ville, il en est la brique essen­tielle. Or, lorsque la brique est fra­gile, c’est l’édifice tout entier qui est menacé.
Le long de mon par­cours, j’ai pu consta­ter une dégradation pro­gres­sive des loge­ments sur plu­sieurs aspects, notam­ment la ques­tion des dimen­sions, ou encore la mul­ti­pli­ca­tion de la mono-orien­ta­tion, pour des rai­sons de ratio­na­li­sa­tion économique évidentes. Concer­nant les dimen­sions et le rétrécissement des loge­ments, cela a entraîné la dis­pa­ri­tion de cer­taines fonc­tions, comme la cui­sine, qui sou­vent n’existe plus en tant que pièce, reléguée à un pla­card en fond de séjour, sous prétexte de nou- veaux modes de vie. On observe également la per­ma­nence de la petite chambre de 9 m², dont l’espace habi­table, une fois qu’on en retranche le pla­card, ne dépasse guère 7 m².

 

Sur quelles données prin­ci­pales s’appuie le référentiel ? 

Tout d’abord sur une mise en pers­pec­tive his­to­rique, qui se base sur le tra­vail de Jacques Lucan à par­tir de son livre Habi­ter, ville et archi­tec­ture [aux éditions EPFL Press, NDLR], pour mon­trer qu’on assiste à un apogée spa­tial et fonc­tion­nel dans les années 1960–1970, période après laquelle on constate une lente dégra- dation. Nous avons aus­si fait des com­pa­rai­sons géographiques avec des pays voi­sins comme la Hol­lande, la Bel­gique, l’Alle- magne, la Suisse, l’Italie et l’Espagne. Nombre de ces pays mettent l’accent sur les sur­faces de manière glo­bale, mais aus­si par élément. Au sujet du couple séjour-cuisine, on considère, par exemple en Bel­gique, que cet ensemble doit faire au moins 28 m² pour un 3 pièces.

Nous avons réalisé une grande série d’entretiens avec de nom- breux spécialistes (socio­logues, économistes, archi­tectes, amé- nageurs, pro­mo­teurs, bailleurs, juristes élus, etc.), afin d’intégrer et de prendre en compte les nou­velles donnes et les évolutions des attentes. Sur ces bases de connais­sance, nous avons pro- posé trois grands vec­teurs de trans­for­ma­tion : volumétrie-surface, rap­port à l’extérieur (ter­rasse, bal­con, éclairement, tra­ver­sa­bi­lité), pos­si­bi­lité de modu­la­rité dans le temps.

Nous avons ensuite abordé la ques­tion des leviers. Le plus puis- sant étant le dis­po­si­tif de défiscalisation Pinel, qui, à la suite du tra­vail du ministère du Loge­ment en ce sens, sera assu­jet­ti à cer- taines condi­tions à par­tir du 1er jan­vier 2023 : si vous vou­lez pro- fiter à plein de l’exonération, il fau­dra acquérir un loge­ment qui répondra notam­ment à cer­taines exi­gences en termes de qua­lité d’usage (sur­face mini­male en fonc­tion de la typo­lo­gie, espace extérieur pri­va­tif, double orien­ta­tion à par­tir du T3). Nous avons aus­si étudié, dans le rap­port, les chartes locales, avec un retour d’expérience sur au moins dix ans, notam­ment celles de Plaine Com­mune, Nan­terre, Nantes, Bor­deaux…, en tout, une cin­quan- taine en France. Nous nous sommes ain­si attachés à regar­der en quoi ce système per­met de mieux prendre en compte cer­taines spécificités locales.

Nous nous sommes également penchés sur les labels qui sont sus­cep­tibles d’intéresser les inves­tis­seurs ins­ti­tu­tion­nels, qui se détournent actuel­le­ment du bureau pour se réorienter vers le loge- ment. Ces inves­tis­seurs sou­haitent que leur patri­moine immo­bi­lier réponde aux plus hautes exi­gences ins­crites dans les labels.

 

Pro­pos recueillis par Julien Mey­ri­gnac et Rodolphe Casso

Cré­dit pho­to : Alex Cretey-Systermans

 

Un commentaire

  • KOUPO

    13 décembre 2022 à 8h40

    Tres inté­res­sant.
    Bien écrit et ins­truc­tif. Je suis très intéressé .

    Répondre

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