Yann Krysinski : « J’ai la conviction que nous avons créé un modèle transposable »

Le directeur général de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) revient sur les projets hors normes d’aménagement et de rénovation, qui ont permis d’accueillir les JOP de Paris 2024. Autant de chantiers qui laisseront en héritage deux nouveaux quartiers franciliens, de nouveaux équipements et de nombreuses innovations.

 

Pouvez-vous revenir sur votre parcours et ce qui vous a amené à la Solideo ?

J’ai passé mon enfance à Marseille. Après des études d’ingénieur, dont une partie réalisée aux États-Unis, j’ai immédiatement démarré ma carrière dans les grands projets. Je suis particulièrement motivé par leur complexité. J’ai réalisé des gares, des terminaux d’aéroport, des tronçons de lignes à grande vitesse, des palais de justice, des centres pénitentiaires, des tours de grande hauteur, etc. En somme, des projets avec un impact fort en matière d’utilité publique, et complexes par leur nature, leur finalité, le nombre de parties prenantes. Le Village des athlètes pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 est en cela un concentré unique de complexité !

Sur les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) 2024, le choix des sites a été fait par la Ville de Paris et le Comité international olympique (CIO), les sites existants, mais aussi ceux à créer. Comment la Solideo s’est-elle adaptée à la commande ?

La commande était double. Il fallait livrer des ouvrages nécessaires à l’organisation des Jeux, mais aussi nécessaires pour les territoires. Ce que nous appelons dans notre jargon « l’héritage matériel ». Il ne fallait pas créer d’éléphants blancs. Cette double commande s’est notamment traduite par la mise en place de deux structures. D’un côté, Paris 2024, chargée de l’organisation de l’évènement, des compétitions, de l’accueil des spectateurs, de la cérémonie d’ouverture, etc. De l’autre, la Solideo, qui avait en charge la réalisation et la supervision des ouvrages olympiques pérennes. Dès sa candidature, la Ville de Paris a porté une organisation sobre des Jeux. Nous avons traduit cette ambition en nous appuyant sur un maximum d’ouvrages existants. En tout, 95 % des sites étaient existants. En comparaison avec d’autres olympiades, nous avons donc géré beaucoup de projets de rénovation.

Concernant le lieu d’implantation du Village des athlètes, dans le détail, le cahier des charges du CIO pour la commande de la phase « Jeux » voulait que les athlètes vivent la compétition dans des conditions optimales. Il fallait donc que le Village des athlètes soit à proximité des sites principaux de compétition ou d’entraînement, il a ainsi été fait le choix d’un lieu situé entre les communes de Saint-Ouen, Saint-Denis et L’Ile-Saint-Denis. Ce site est à proximité du Stade de France, que nous avons d’ailleurs réutilisé pour les JOP, ou encore du Centre aquatique olympique. Mais ce site présentait aussi l’avantage, au-delà de la proximité des lieux de compétition et d’entraînement, d’être au cœur d’un territoire très dynamique avec un important besoin en logement. Nous savions que les Jeux allaient venir renforcer le développement déjà à l’œuvre sur ces trois villes. La gare du Grand Paris Express, Saint-Denis Pleyel, qui se situe à quelques centaines de mètres du Village des athlètes, est la gare principale de ce nouveau réseau de métro automatique.

Pouvez-vous nous dresser le panorama de ce qui a été créé et rénové ?

La majorité des sites a été rénovée : des piscines, car il fallait beaucoup de bassins d’entraînement, ainsi que des gymnases, des stades – comme le stade Yves-du-Manoir à Colombes, par exemple. Nous avons aussi rénové la Grande Nef de l’Ile-des-Vannes, ancien complexe culturel qui a accueilli de nombreux concerts. Ces équipements sportifs, qui ont été la plupart du temps des équipements d’entraînement pendant les Jeux, sont un réel bénéfice pour « l’héritage » ; grâce aux Jeux, nous léguons aux territoires des équipements rénovés.

Finalement, l’une des rares piscines que nous avons construite neuve est celle du Centre aquatique olympique. Les sites neufs sont, en effet, peu nombreux : l’Adidas Arena, porte de la Chapelle à Paris, le Village des médias, à Dugny, et donc, bien sûr, le Village des athlètes. Ce dernier, qui a accueilli environ 14 000 athlètes et accompagnants pendant les Jeux olympiques et environ 9 000 para-athlètes et accompagnants pendant les Jeux paralympiques, représente la création de 2 800 logements après les Jeux. Quant au Village des médias, situé à proximité immédiate du Centre des médias des Jeux, qui accueillait les journalistes et les techniciens, il représente 1 300 logements après les Jeux. Au total, ce sont 4 100 logements que nous créons en Seine-Saint-Denis.

Quelles ont été les grandes ambitions sociales et environnementales pour ces Jeux « sobres » ?

Les ambitions sociales et environnementales ont été portées haut et fort dès la candidature par la Ville de Paris et le GIP Paris 2024 [groupement d’intérêt public, ndlr]. Nous voulions que les Jeux soient environnementalement et socialement exemplaires. C’est pourquoi, lorsque la Solideo a été créée, nous avions prévu des indicateurs sur les volets environnementaux et sociaux très ambitieux. Concernant l’excellence environnementale, nous avons fixé nos objectifs autour de quatre piliers. Le premier était la neutralité carbone, avec comme but la réduction de moitié de l’impact carbone des ouvrages sur l’ensemble de leur cycle de vie, de la construction à l’exploitation. Le deuxième était de réintroduire la nature dans la ville – chose évidente pour le Village des athlètes qui longe la Seine. Le troisième pilier était le confort urbain, soit montrer que nous pouvions construire une ville qui serait confortable malgré les évolutions attendues du climat à horizon 2050. Dernier pilier : le réemploi et l’économie circulaire, qui viennent nous aider à atteindre nos objectifs de neutralité carbone.

Et les résultats sont là ! À titre d’exemple, sur le Village des athlètes, nous sommes à 47 % de réduction du poids carbone, donc l’objectif est atteint. De plus, nous sommes en avance sur la réglementation thermique, puisque nous avons construit selon les exigences qui seront en vigueur à partir de 2028. Nous avons réussi cela en utilisant des matériaux biosourcés – du bois, dans les planchers et les structures –, et cela à l’échelle de tout le quartier. Pour le volet biodiversité, nous avons planté environ 9 000 arbres et arbustes. Dès que nous avons pu, nous avons utilisé des essences locales, dans l’idée de disposer d’espaces verts agréables, fonctionnels et bien entretenus. De même sur le confort urbain, nous avions, comme je le disais, fixé l’objectif de créer des habitations qui soient sans climatisation, mais tout de même confortables pour le climat de 2050. Nous nous sommes fixé comme seuil un maximum de 160 heures par an à une température supérieure à 28 °C dans les logements, ou 6 °C de moins.

Propos recueillis par Rodolphe Casso et Maider Darricau

Lire la suite de cet article dans le numéro 443 « Infra et superstructures » en version papier ou en version numérique

Photos : Yann Krysinski, crédit : Stéphane Vasco ; Le Village des athlètes est situé entre les communes de Saint-Ouen, Saint-Denis et L’Ile-Saint-Denis, crédit : Drone Press/Sennse/Solideo.

Couverture : Jean-Louis Chapuis, studio Warmgrey

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