♦ LE NOUVEAU NUMÉRO DE LA REVUE URBANISME ♦
En termes d’urbanisme et de fabrique de territoire, il existe des signaux faibles parmi les disciplines du projet. Le design jusqu’à présent en faisait partie. Encore associé dans l’imaginaire collectif à la conception de l’objet, ses champs d’application se multiplient.
Par une approche très pragmatique des nouvelles questions de société, le design permet une réponse adaptée aux différentes échelles, du bourg à la métropole. Il se pose comme un nouveau levier du projet urbain et territorial au travers de trois constantes : l’approche projectuelle par les usages ; la coconstruction, qui en constitue son ADN ; et le prototypage, qui permet le retour d’expérience.
Dans cet exercice du « dissensus » – cher à Christophe Cuny – qu’est la fabrique de la ville, le design a ainsi cette capacité d’apporter une réponse rapide aux usages émergents et parfois à la construction de nouveaux cycles écologiques.
Les méthodologies de coconstruction bouleversent aussi les métiers de l’architecture et de l’urbanisme notamment dans « le droit à l’erreur » qu’elles s’accordent.
Un outil de transformation
À l’heure des urbanismes temporaires et tactiques, des budgets participatifs, le design semble avoir la capacité de répondre aux temporalités nouvelles du projet. Il questionne aussi le rapport à la démocratie représentative.
Il nous paraissait dès lors légitime de tenter de comprendre en quoi le design constitue aujourd’hui un outil à même de transformer l’action publique.
En partant du cadrage thématique et historique proposé par Stéphane Vincent (La 27e Région) et Valérie Poudray, nous avons pris le parti d’aborder ce dossier selon trois angles qui se répondent et se complètent.
Le premier porte sur l’acte de faire. Le design est avant tout une question de dessin, de fabrication, et nous avons invité quatre agences aux pratiques différentes. Romain Thévenet de Détéa – Design Territoires Alternative – développe des actions liées aux politiques publiques et ancrées au plus près des préoccupations des territoires ruraux. L’agence Vraiment Vraiment se définit comme « designers d’intérêt général » et sa structuration est très représentative des évolutions de la profession. Faltazi, ensuite, porte un travail de design industriel engagé dans les mutations écologiques des villes. Enfin, Christophe Cuny de l’agence Buro Architectes pour qui la coconstruction est une des valeurs essentielles de toute action d’aménagement.
Cette coconstruction prend évidemment tout son sens dans l’exercice engagé qu’est l’habitat participatif. La coopérative Faire-Ville basée à Toulouse cultive une démarche qui s’inspire des méthodologies propres au design.
Le deuxième porte sur la formation au design dans ses composantes multiples et, notamment, à destination d’une nouvelle génération d’acteurs publics. Signe des temps avec les Arts Déco et la mise en place d’un post-master dédié au design des mondes ruraux, jusqu’au master Innovation by design formation continue de l’Ensci-Les Ateliers, en passant par la chaire Ensci-ENA, nous voyons aujourd’hui apparaître en France un corpus pédagogique qui se structure.
Le troisième met en lumière des exemples de démarches de projet où le design prend pleinement sa place, depuis la métropole lilloise qui la première a creusé le sillon jusqu’aux approches de design thinking qui fleurissent partout en France et dont la Scet nous livre un panel d’exemples réussis.
Une boucle vertueuse
La discipline du design se base ainsi sur l’observation, la conception, l’expérimentation, la simulation, l’évaluation : autant d’éléments qui aujourd’hui se révèlent d’une efficacité redoutable pour une action publique parfois mise à mal. Les méthodologies de design portent ainsi une sorte de boucle vertueuse proposant à la fois une vision systémique et un résultat immédiatement tangible qui semble favoriser l’acceptation du changement… à condition, comme à Barcelone, que celui-ci ne soit pas mené de manière trop soudaine.
Dans tous les cas, ces méthodologies bousculent, favorisent une « indiscipline de l’action publique », mais nécessitent, comme l’indique Patrick Bouchain, de « rassembler le politique et le technique, grâce à un maillon manquant, le médiateur », qui pourrait bien être le designer.
La question numérique dans le rapport immédiat à l’usage est évidemment sous-jacente et ce vaste volet du digital constitue en soi le sujet d’un futur dossier.
Aussi, dessiner et fabriquer, former et se former, montrer les expériences réussies et en cours constituent les entrées de ce dossier dédié au design, qui semble devenir une discipline à part entière de l’action publique.
Tangi Saout
Photo : Exposition « Low Life » de Jerszy Seymour à la Galerie kreo, Paris © Marc Domage – Courtesy Galerie kreo
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