Les ressorts de la résilience territoriale

Cette crise qui bou­le­verse nos habi­tudes et le rap­port à notre cadre de vie, réin­ter­roge la géo­gra­phie des usages, pose la ques­tion des lieux, du temps, des pra­tiques, et du cadre de vie à dif­fé­rentes échelles : celle du domi­cile, de l’environnement immé­diat et du ter­ri­toire où de nou­veaux (des)équilibres peuvent se jouer.

Les formes de résilience territoriale

Le géo­graphe Mar­tin Vanier ouvre notre dos­sier avec une contri­bu­tion qui met à l’épreuve de l’histoire des idées cette notion de rési­lience appli­quée aux villes et aux ter­ri­toires. Avec comme conclu­sion que « la rési­lience invite à la luci­di­té de consi­dé­rer l’histoire comme l’enchaînement des impré­vus, donc à en gar­der la mémoire et la connais­sance ». 

Maga­li Talan­dier a choi­si d’analyser trois formes de rési­lience ter­ri­to­riale : absor­ba­tive, adap­ta­trice et trans­for­ma­trice. Avant de pro­po­ser un Rubik’s Cube ter­ri­to­rial, qui fait appa­raître l’importance des LIBS (Local Inten­sive Busi­ness Ser­vices), ces acti­vi­tés pro­duc­tives locales qui consti­tuent un levier stra­té­gique pour affron­ter les crises. 

D’ailleurs la feuille de route de l’Agence natio­nale de la cohé­sion des ter­ri­toires (ANCT), adop­tée en juin der­nier, trace la pers­pec­tive de « pactes de rési­lience ter­ri­to­riale ». D’où notre inter­ro­ga­tion à son direc­teur géné­ral, Yves Le Bre­ton : cette nou­velle notion pour­rait-elle se sub­sti­tuer à celle de « cohé­sion des ter­ri­toires » ? Pru­dence de la réponse : « Il ne s’agit pas de rem­pla­cer un concept par un autre […] mais les stra­té­gies de rési­lience vont prendre une place crois­sante dans l’action publique. » Notre dos­sier en donne de nom­breux exemples. 

Repérer de nouvelles pratiques et de nouvelles démarches

Les nou­velles pra­tiques ali­men­taires déve­lop­pées dans la métro­pole lil­loise ou dans l’agglomération de Douai par­ti­cipent des démarches valo­ri­sant les res­sources locales que la crise actuelle a mises en lumière. Quant aux tiers-lieux que décrivent Julie Lan­nou, Mar­lène Le Guiet et Léa Finot, ils agissent comme « cen­tri­fu­geuses des pro­jets », cata­ly­seurs d’énergies ter­ri­to­riales. Encore faut-il leur don­ner les moyens d’exister et de se péren­ni­ser. 

Les auteurs de notre dos­sier ne pro­posent pas de remède miracle pour une rési­lience géné­ra­li­sée. Ils réflé­chissent à l’adap­ta­tion des méga­poles comme le Grand Paris (Alain Clu­zet), ou des métro­poles régio­nales (Agence d’urbanisme de l’agglomération mar­seillaise) à la nou­velle donne éco­no­mique, sociale et sani­taire. Ils plaident pour une « mobi­li­té rai­son­née » (Ber­nard Len­sel, Éric Rai­mon­deau et Vir­gi­nie Sido­rov), s’inquiètent pour le deve­nir de l’espace public mena­cé par des formes de pri­va­ti­sa­tion (Vincent Bour­jaillat et Jean-Pierre Char­bon­neau), ana­lysent l’intensification des pra­tiques numé­riques urbaines (Antoine Cour­mont), militent pour l’entrepreneuriat social (Jean-Marc Borel­lo et Chloé Brillon), défendent le réseau des hôpi­taux de proxi­mi­té (Emma­nuel Vigne­ron). 

D’autres comme Ariel­la Mas­boun­gi et le Club Ville Amé­na­ge­ment vont voir du côté de nos voi­sins euro­péens pour repé­rer de nou­velles pra­tiques et de nou­velles démarches. C’est ain­si que la stra­té­gie ita­lienne pour reva­lo­ri­ser les ter­ri­toires inté­rieurs « oubliés » a rete­nu leur atten­tion, par sa capa­ci­té à appuyer des ini­tia­tives locales et même micro­lo­cales, en mobi­li­sant un maxi­mum d’acteurs, publics et pri­vés. En France, l’idée serait de faire béné­fi­cier les « ter­ri­toires per­dants » de l’ingénierie des « ter­ri­toires gagnants », en par­ti­cu­lier celle des métro­poles. L’occasion pour elles de refon­der leur légi­ti­mi­té en fai­sant de la rési­lience ter­ri­to­riale un enjeu par­ta­gé. En tout cas, la quête de rési­lience s’annonce comme un long che­min que nous n’avons pas fini d’emprunter. 

Antoine Lou­bière, rédac­teur en chef

 

Pho­to : © Her­vé Lenain/hemis.fr

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